Parfois, je me sens pris d'horreur pour cette terre;
Mon vers semble la bouche ouverte d'un cratère;
J'ai le farouche émoi
Que donne l'ouragan monstrueux au grand arbre;
Mon coeur prend feu; je sens tout ce que j'ai de marbre
Devenir lave en moi;
Quoi! rien de vrai ! le scribe a pour appui le reître;
Toutes les robes, juge et vierge, femme et prêtre,
Mentent ou mentiront;
Le dogme boit du sang, l'autel bénit le crime;
Toutes les vérités, groupe triste et sublime,
Ont la rougeur au front;
La sinistre lueur des rois est sur nos têtes;
Le temple est plein d'enfer; la clarté de nos fêtes
Obscurcit le ciel bleu;
L'âme a le penchement d'un navire qui sombre;
Et les religions, à tâtons, ont dans l'ombre
Pris le démon pour Dieu!
Oh ! qui me donnera des paroles terribles ?
Oh! je déchirerai ces chartes et ces bibles,
Ces codes, ces korans!
Je pousserai le cri profond des catastrophes;
Et je vous saisirai, sophistes, dans mes strophes,
Dans mes ongles, tyrans.
Ainsi, frémissant, pâle, indigné, je bouillonne;
On ne sait quel essaim d'aigles noirs tourbillonne
Dans mon ciel embrasé;
Deuil! guerre ! une euménide en mon âme est éclose !
Quoi! le mal est partout! Je regarde une rose
Et je suis apaisé.