Le couchant empourpra le mont Tibidabo;
Le soir vint; tirant l'âne obstiné qui recule,
Le soldat se remit en route au crépuscule,
Heure trouble assortie au cri du chat-huant;
Lourds de butin, le long des chemins saluant
Les images des saints que les passants vénèrent,
Vainqueurs, sanglants, joyeux, les rois s'en retournèrent,
Chacun avec ses gens, chacun vers son état;
ET, reflet du couchant, ou bien de l'attentat,
La chaîne des vieux monts, funeste et vaste bouge,
Apparaissait, dans l'ombre horrible, toute rouge;
On eût dit que, tandis qu'en bas on triomphait,
Quelque archange vengeur de la plaine avait fait
Remonter tout ce sang au front de la montagne.
Chaque bande, à travers la brumeuse campagne,
Dans des directions diverses s'enfonça;
Ceux-là vers Roncevaux, ceux-ci vers Tolosa;
Et les pillards tâtaient leurs sacs, de peur que l'ombre
N'en fît tomber l'enflure ou décroître le nombre,
La crainte du voleur étant d'être volé.
Meurtre du laboureur et pillage du blé,
La journée était bonne, et les files de lances
Serpentaient dans les champs pleins de sombres silences;
Les montagnards disaient: -Quel beau coup de filet!-
Après avoir tué la plaine qui râlait,
Ils rentraient dans leurs monts, comme une flotte au havre,
Et, riant et chantant, s'éloignaient du cadavre.
On vit leurs dos confus reluire quelque temps,
Et leurs rangs se grouper sous les drapeaux flottants
Ainsi que des chaînons ténébreux se resserrent,
Puis ces farouches voix dans la nuit s'effacèrent.