Le couchant flamboyait à travers les bruines
Comme le fronton d'or d'un vieux temple en ruines.
-L'arbre avait un frisson.
La mer au loin -.sémblait, en ondes' recourbée,
Une colonne torse en marbre vert, tombée
Sur l'énorme horizon.
La vague, roue errante, et l'écume, çavale,
S'enfuyaient;' je voyais luire par intervalle
Les cieux pleins de regards;
Les flots allaient, venaient, couraient; sans fin,-sans nombre,
Et j'écoutais, penché sur ce cirque de l'ombre,
Le bruit de tous ces chars.
Lugubre immensité! profondeurs redoutées!
Tous sont là, les Satans comme les "Prométhéen.
Ténébreux -océans!
Cièux, vous êtes l'abîme où tombent les génies.
Oh! combien. l'oeil, au fond. des brumes infinies,
Aperçoit de. géants! -
Ô vie, énigme, sphinx, nuit, sois la' bienvenue!
Car je me sens d'accord avec l'Ame inconnue.
Je souffre, mais je crois. -
J'habite l'absolu, patrie obscure et sombre,
Pas plus intimidé dans tous ces gouffres d'ombre
Que l'oiseau dans les bois. -
Je songe, l'oeil fixé sur l'incompréhensible.
Le zénith est fermé. Les justes sont la cible
Du mensonge effronté;
Le bien, qui semble aveugle, a le mal pour ministre,
Mais, rassuré, je vois sous la porte sinistre
La fente de clarté.
Il avril 1870.