Ruy Diaz de Bivar est leur plus belle gerbe.
Dans un beau train de guerre et de chevaux fougueux,
Don Santos traversa leurs villages, superbe,
Avec le bruit d'un roi qui passe chez des gueux.
On ne le suivit point comme on fait dans les villes ;
Nul ne le harangua, ces hommes aux pieds nus
Ayant la nuque dure aux saluts inutiles
Et se dérangeant peu pour des rois inconnus.
- Je suis l'ami du roi, disait-il avec gloire ;
Et nul ne s'inclinait que le corrégidor ;
Le lendemain, ayant grand soif et voulant boire,
Il dit : Je suis l'ami du Cid Campéador.
Don Santos traversa la plaine vaste et rude,
Et l'on voyait au fond la tour du fier banni ;
C'est là qu'était le Cid. Le ciel, la solitude,
Et l'ombre, environnaient sa grandeur d'infini.
Quand Santos arriva, Ruy, qui sortait de table,
Était dans l'écurie avec Babieça ;
Et Santos apparut sur le seuil de l'étable ;
Ruy ne recula point, et le roi s'avança.
La jument, grasse alors comme un cheval de moine,
Regardait son seigneur d'un regard presque humain ;
Et le bon Cid, prenant dans l'auge un peu d'avoine,
La lui faisait manger dans le creux de sa main.