Joie au château
Une file de longs et pesants chariots
Qui précède ou qui suit les camps impériaux,
Marche là-bas avec des éclats de trompette
Et des cris que l'écho des montagnes répète ;
Un gros de lances brille à l'horizon lointain.
La cloche de Final tinte, et c'est ce matin
Que du noble empereur on attend la visite.
On arrache des tours la ronce parasite ;
On blanchit à la chaux en hâte les grands murs ;
On range dans la cour des plateaux de fruits mûrs,
Des grenades venant des vieux monts Alpujarres,
Le vin dans les barils et l'huile dans les jarres ;
L'herbe et la sauge en fleur jonchent tout escalier ;
Dans la cuisine un feu rôtit un sanglier ;
On voit fumer les peaux des bêtes qu'on écorche ;
Et tout rit ; et l'on a tendu sous le grand porche
Une tapisserie où Blanche d'Est, jadis,
A brodé trois héros, Macchabée, Amadis,
Achille, et le fanal de Rhode, et le quadrige
D'Aétius, vainqueur du peuple latobrige ;
Et, dans trois médaillons marqués d'un chiffre en or,
Trois poëtes, Platon, Plaute et Scoeva Memor.
Ce tapis autrefois ornait la grande chambre ;
Au dire des vieillards, l'effrayant roi sicambre,
Witikind, l'avait fait clouer en cet endroit
De peur que dans leur lit ses enfants n'eussent froid.