PLUME DE POÉSIES
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 Victor HUGO (1802-1885) Welf, castellan d’Osbor

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James
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Victor HUGO (1802-1885) Welf, castellan d’Osbor  Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) Welf, castellan d’Osbor    Victor HUGO (1802-1885) Welf, castellan d’Osbor  Icon_minitimeDim 25 Sep 2011 - 18:37

Welf, castellan d’Osbor

PERSONNAGES
WELF.
CYADMIS.
HUG.
OTHON.
SYLVESTRE.
UNE PETITE FILLE, mendiante.
L'HUISSIER DE L'EMPIRE.
PAYSANS, BOURGEOIS, ÉTUDIANTS
DE L'UNIVERSITÉ CARLOVINGIENNE,
SOLDATS.



Devant le précipice d'Osbor.


WELF
CASTELLAN D'OSBOR
Le rebord d'un précipice.

Au delà du précipice, qui est très-étroit, se profile une haute tour crénelée
sans fenêtres. Des meurtrières çà et là. Le pont-levis dressé cache la porte.
Le précipice sert de fossé à cette tour.

Derrière la tour monte, à perte de vue, la montagne couverte de sapins. On
ne voit pas le ciel.




SCÈNE PREMIÈRE
L'HUISSIER DE L'EMPIRE, un groupe de GENS DU PEUPLE.
L'huissier de l'empire, en dalmatique d'argent semée d'aigles noirs,

entre, précédé des quatre massiers de la Diète. Il est suivi d'un groupe de
paysans et
de bourgeois.

Il se tourne vers la tour, où l'on ne voit personne.




L'HUISSIER.
Je fais sommation, moi l'huissier de l'empire,
À toi, baron, rebelle à la Diète de Spire.
Rends-toi, sors. Comparais.



UN BOURGEOIS, survenant, aux autres.
A-t-il répondu ?



UN PAYSAN.
Non.



L'HUISSIER.
J'ai dit.
Il passe, et disparaît avec les quatre massiers.



LE BOURGEOIS, montrant la tour.
Quel fier dédain ! Quel rude compagnon !



UN ÉTUDIANT de l'Université carlovingienne.
Compagnon de personne.



LE PAYSAN.
Oui, pas un ne l'égale.



L'ÉTUDIANT.
Parfois aux champs fauchés il reste une cigale ;
Ainsi cet homme libre est demeuré debout.



LE BOURGEOIS.
Oui, ce mont excepté, l'esclavage est partout.



L'ÉTUDIANT.
Welf, à lui seul, tient tête aux princes d'Allemagne.



UN VIEILLARD.
Il ne veut pas qu'on passe à travers sa montagne,
Il est le protecteur d'un pays inconnu.
Qui troublerait ces monts serait le mal venu.
Il est père des bois. Sa tour fait sentinelle.
Il défend le sapin, l'if, la neige éternelle,
La route avec ses fleurs, la biche avec ses faons,
Et les petits oiseaux sont ses petits enfants.
Il guette. Son regard a des éclairs funèbres
Pour quiconque oserait attaquer ces ténèbres.
On voit la silhouette âpre du chevalier
Dans l'entrecroisement des branches du hallier.
Une sérénité nocturne l'environne.
Son casque n'a jamais salué de couronne.
Il se tient là, barrant le chemin, rassurant
La forêt, le ravin, le rocher, le torrent,
Et garde vierge, aux yeux de toute la contrée,
L'ombre où cette montagne auguste donne entrée.



LE BOURGEOIS.
Il est seul dans sa tour ?



LE VIEILLARD.
Il n'a pas un archer.



LE PAYSAN à un autre paysan, montrant la tour.
Tiens ! entre les créneaux on peut le voir marcher.



L'ÉTUDIANT.
Tant qu'il vit, la patrie aux fers n'est pas éteinte.



LE VIEILLARD.
Il n'a jamais voulu se marier, de crainte
D'introduire en son antre une timidité.



L'ÉTUDIANT.
Ici l'on rampe.



LE VIEILLARD.
Il est seul de l'autre côté.



LE BOURGEOIS.
On dit qu'il vit là, fauve et noir, sans chefs, sans règles,
Qu'il se fait apporter à manger par les aigles,
Et qu'il n'a jamais ri.



LE VIEILLARD.
Deuil fièrement porté !
Il est veuf.



LE BOURGEOIS.
Veuf de qui ?



LE VIEILLARD.
Veuf de la liberté.



L'ÉTUDIANT.
Puissant vieillard !



LE VIEILLARD.
Il est inaccessible ; il garde
Son fossé, tient dressé son pont-levis, regarde
Par les trous de sa herse, et n'a jamais d'ennui,
Sentant le mont immense en paix derrière lui.



LE BOURGEOIS, regardant à ses pieds.
Le précipice est sombre.



L'ÉTUDIANT, regardant au-dessus de sa tête.
Et la muraille est haute.



LE BOURGEOIS.
Mais s'il repousse un maître, admettrait-il un hôte ?



LE VIEILLARD.
Un pauvre, oui.



L'ÉTUDIANT.
Jamais roi dans sa coupe ne but.



LE VIEILLARD.
Il vit sans rendre hommage et sans payer tribut.



LE BOURGEOIS.
Qu'il est heureux ! Hélas, les impôts nous obèrent.



LE VIEILLARD.
Mais cela va finir. Les princes délibèrent.
Montrant le revers de la montagne opposée au précipice.
Ils sont là.



LE BOURGEOIS.
Qui donc ?



LE VIEILLARD.
Qui ? Notre duc Cyadmis,
Le roi d'Arle, et les deux formidables amis
Qui ne se quittent pas, l'un maudit, l'autre frappe,
Othon Trois, empereur, et Sylvestre Deux, pape.



L'ÉTUDIANT.
Qu'importe ! Le rocher est fort, Welf est viril.
Welf ignore la peur, mais connaît le péril.



LE BOURGEOIS.
Aussi marche-t-il droit sur lui.
L'ÉTUDIANT.
Pas plus qu'Hercule
Il ne tremble, et pas plus qu'Achille il ne recule.



LE BOURGEOIS.
Robuste, il songe, au bord de l'abîme béant.
L'ÉTUDIANT.
Une douceur d'étoile, et le bras d'un géant !



LE VIEILLARD.
Oui. Mais les rois sont las de voir debout dans l'ombre
Le grand ermite armé de la montagne sombre.



Il se penche et leur désigne du doigt un point qu'on ne voit pas.



Vous voyez bien d'ici cette cabane, au flanc
Du ravin, à l'abri de l'aquilon sifflant ?
C'est là que les rois sont assemblés.



LE BOURGEOIS.
Combien ?



LE PAYSAN.
Quatre.



LE VIEILLARD.
Ce burg les gêne. Ils sont résolus à l'abattre.
C'est dit. Pour vaincre ils ont leurs troupes et leurs gens
Et le dépit amer, force des assiégeants.



LE PAYSAN.
Le castellan va-t-il enfin livrer passage,
Baisser le pont, céder aux rois ?



LE BOURGEOIS.
Oui, s'il est sage.



L'ÉTUDIANT.
Non, s'il est grand.



LE VIEILLARD.
Il est sage et grand.



L'ÉTUDIANT, montrant la tour.
La maison
Tiendra ferme, ayant Welf tout seul pour garnison ;
Le vieux songeur n'est pas d'humeur accommodante.
Il mettra des chaudrons sur de la braise ardente,
Et saura leur payer, va, ce qui leur est dû
De poix bouillante, d'huile en feu, de plomb fondu !



LE PAYSAN.
Certes !
L'ÉTUDIANT.
Et l'on verra si leur peau s'accoutume
Au ruissellement large et fumant du bitume.
On voit une fumée sortir du haut de la tour.



LE VIEILLARD.
Tenez, précisément ! Il allume son feu.
Voyez-vous la fumée !



L'ÉTUDIANT.
Il va jouer son jeu,
Faire sa fête, offrir la bataille.



LE BOURGEOIS.
Posture
D'un héros !



LE PAYSAN.
Je veux voir la fin de l'aventure.



LE BOURGEOIS.
Nous, en voyant venir des princes, nous fuyons
Devant ce flamboiement de sinistres rayons ;
Welf les brave.
Montrant le burg.
C'est beau, cette porte fermée.



L'ÉTUDIANT.
D'un côté ce bonhomme, et de l'autre une armée !



LE VIEILLARD.
À lui seul il est grand comme une nation.
D'ordinaire, tout est dans la proportion,
Et le petit est grand près du moindre, et l'arbuste,
Si vous le comparez au brin d'herbe, est robuste.
Mais Welf dépasse tout. C'est un dieu.
On entend une fanfare de trompettes.



LE BOURGEOIS.
Les clairons !
Silence ! Où sont nos trous dans les rochers ? Rentrons.

Tous se dispersent de divers côtés. Entre une troupe de valets de la lance

avec de longues piques. En tête les clairons.
Puis un gendarme portant un pennon de guerre.

Derrière le pennon, paraît un homme à cheval entièrement couvert d'une

chemise de fer à capuchon, et ayant sur le capuchon une couronne ducale.
Les soldats s'arrêtent, le pennon s'arrête, l'homme à cheval s'arrête, et se

tourne vers la tour. Les clairons se taisent.
L'homme à cheval tire son épée. La tour continue de fumer.



_________________
J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
James
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