Les pauvres gens de la côte,
L'hiver, quand la mer est haute
Et qu'il fait nuit,
Viennent où finit la terre
Voir les flots pleins de mystère
Et pleins de bruit.
Ils sondent la mer sans bornes ;
Ils pensent aux écueils mornes
Et triomphants ;
L'orpheline pâle et seule
Crie : Ô mon père ! et l'aïeule
Dit : Mes enfants !
La mère écoute et se penche ;
La veuve à la coiffe blanche
Pleure et s'en va.
Ces coeurs qu'épouvante l'onde
Tremblent dans ta main profonde,
Ô Jéhovah.
Où sont-ils tous ceux qu'on aime ?
Elles ont peur. La nuit blême
Cache Vénus ;
L'océan jette sa brume
Dans leur âme, et son écume
Sur leurs pieds nus.
On guette, on doute, on ignore
Ce que l'ombre et l'eau sonore
Aux durs combats
Et les rocs aux trous d'éponges,
Pareils aux formes des songes,
Disent tout bas.
L'une frémit, l'autre espère.
Le vent semble une vipère.
On pense à Dieu
Par qui l'esquif vogue ou sombre
Et qui change en gouffre d'ombre
Le gouffre bleu !