LA MARCHE AU SUPPLICE
La première heure allait finir quand de la geôle
Jésus sortit, portant une croix sur l'épaule;
On avait délié les cordes du poignet;
Ayant été battu de verges, il saignait;
On le huait; la loi frappe, le peuple accable;
La croix, démesurée, écrasante, implacable,
Dont la cognée à peine avait taillé les noeuds,
Etait faite d'un bois féroce et vénéneux,
Et qui semblait avoir déjà commis des crimes.
La foule, allant, courant, mangeant les pains azymes,
Chantant, montrait les poings à Christ des deux côtés
De la route où marchaient ses pas ensanglantés;
Des vierges, reflétant l'aube sur leur visage,
L'insultaient, et battaient des mains sur son passage,
Et riaient des cailloux déchirant ses talons;
Et l'on voyait des tas de têtes d'enfants blonds
Aux portes des maisons, pour la fête fleuries.
Quelques disciples, fronts baissés, les trois Maries,
Sa mère, le suivaient de loin dans le trajet.
L'oeil sinistre de Jean dans les gouffres plongeait.
Le jour, blême, fuyait. L'attente était profonde.
Quatre anges se tenaient aux quatre coins du monde;
Ces anges arrêtaient au vol les quatre vents,
Pour qu'aucun vent ne pût souffler sur les vivants,
Ni troubler le sommet des montagnes de marbre,
Ni soulever un flot, ni remuer un arbre.