Oh! l'essence de Dieu, c'est d'aimer. L'homme croit
Que Dieu n'est, comme lui, qu'une âme, et qu'il s'isole
De l'univers, poussière immense qui s'envole;
Mais moi, l'ennemi triste et l'éternel moqueur,
Je le sais, Dieu n'est pas une âme, c'est un coeur.
Dieu, centre aimant du monde, à ses fibres divines
Rattache tous les fils de toutes les racines,
Et sa tendresse égale un ver au séraphin;
Et c'est l'étonnement des espaces sans fin
Que ce coeur effrayant, blasphémé par les prêtres,
Ait autant de rayons que l'univers a d'êtres.
Pour lui créer, penser, méditer, animer,
Semer, détruire, faire, être, voir, c'est aimer.
Splendide, il aime, et c'est par reflux qu'on l'adore;
Tout en lui roule; il tient à la nuit par l'aurore,
Aux esprits par l'idée, aux fleurs par le parfum;
Et ce coeur dans son gouffre a l'infini, moins un.
Moins Satan, à jamais rejeté, damné, morne.
Dieu m'excepte. Il finit à moi. Je suis sa borne.
Dieu serait infini si je n'existais pas.
Je lui dis : Tu fis bien, Dieu, quand tu me frappas!
Je ne l'accuse point, non; mais je désespère!
O sombre éternité, je suis le fils sans père.
Du côté de Satan il est, mais n'est plus Dieu.