J'étais le songeur qui pense,
Elle était l'oiseau qui fuit
Je l'adorais en silence,
Elle m'aimait à grand bruit.
Quand dans quelque haute sphère
Je croyais planer ,vainqueur,
Je l'entendais en bas faire
Du vacarme dans mon coeur.
Mais je reprenais mon songe
Et je l'adorais toujours,
Crédule au divin mensonge
Des roses et des amours.
Les profondeurs constellées,
L'aube, la lune qui naît,
Amour, me semblaient mêlées
Aux rubans de son bonnet.
Dieu pour moi; sont-ce des fables?
Avait mis dans sa beauté
Tous les frissons ineffables
De l'abîme volupté. -'
Je rêvais un ciel étrange
Pour notre éternel' hymen.
-Qu'êtes-vous? criais-je; un ange?
Moi! disait-elle, un gamin.
Je sentais, ame saisie
Dans les cieux par un pinson,
S'effeuiller ma poésie
Que becquetait sa chanson.
Elle me disait: -Écoute,
C'est mal, tu me dis vous! fi! -
Et la main se donnait toute
Quand le gant m'aurait suffi.
Me casser pour elle un membre,
C'était mon désir parfois.
Un jour je vins dans sa chambre,
Nous devions aller au bois, '
Je comptais la voir bien mise,
Chaste comme l'orient;
Elle m'ouvrit en chemise,
Moi tout rouge,-elle riant.
Je ne savais que lui dire,
Et je fus contraint d'oser;
Je ne voulais qu'un sourire,
Il fallut prendre un baiser.
Et ma passion discrète
S'évanouit sans retour;
C'est ainsi que l'amourette
Mit à la porte l'amour.
12 avril 1855.