Oh ! que,d'amis j'ai vus à pas lents disparaître !
Que j'en ai vu quitter le chemin tour à tour,
Et, sortant de la vie avant la fin du jour,
Descendre le versant de la colline noire !
Combien, dont la gaîté me faisait vivre et croire,
Dont l'oeil d'aise et d'amour semblait étinceler,
Ont cessé brusquement de rire et de parler,
Et pâles, frissonnants, tristes, la main glacée,
Sans même terminer la phrase commencée,
S'en sont allés, laissant leur destin incomplet,
Comme si tout -à- coup quelqu'un les .appelait !
Est-ce que vous croyez que les roses - vermeilles
Ne trouvent pas moyen de. suivre les abeilles,
Et que les papillons, errant dans -les benjoins,
Ne sont pas dans l'azur par les parfums rejoints ?
La mémoire est un souffle envoyé dans la tombe ;
C'est la colombe allant s'unir. à-la colombe.
Non !.il n'est -pas d'absence, il n'est pas de tombeau ;
DERNIÈRE GERBE
Le pâle survivant, rallumant le flambeau,
Fait envoler son âme au delà de la terre
A la suite du mort entré dans le mystère ;
L'âme revoit l'autre âme à force d'y rêver,
Et dans le ciel profond sait où la retrouver.
4 septembre 1857