Ô consul, toi qui peux dire : - J'ai dans l'histoire
Ce hasard, c'est que, j'ai le pouvoir sans la gloire,
Nul destin n'est pareil au mien, et j'ai vécu
Assez pour gouverner Rome, étant un vaincu ;
Car ce sont lès vainqueurs qui règnent, d'ordinaire ;
Et moi qui dans mes mains fis rater le tonnerre,
Je n'en suis pas moins dieu. - L'on t'admire, consul.
Rome, devant qui tremble Anubis, Irmensul,
Le Jéhovah des juifs, le Jupiter de Grèce,
Le Pont, la Perse, et l'Inde, et l'Afrique tigresse,
Tu la tiens sous tes pieds. Et l'on s'écrie : Honneur !
Nous te faisons cortège, ô consul, chef, seigneur !
Et pour te saluer, quand le Sénat te nomme,
Tous ceux à, qui plaît l'aube éternelle de Rome,
Son passé, son vieux' mont par la foudre choisi,
Son histôire, sont là. - C'est vrai, j'y suis aussi ;
Et, vieux romain, je dis, pendant que tes esclaves
T'entourent, quelques-uns vêtus de laticlaves,
Quand tu digères, seul sur ton lit de vermeil,
Lourd de toute-puissance et de demi-sommeil
Dans la salle splendide et sonore où tu dînes :
- Notre histoire me plaît, moins les Fourches Caudines.
5 avril 1874.
DERNIÈRE GERBE