Devant lui la vertu frémit, l'honneur émigre;
Pâle Psyché,
L'âme humaine voudrait s'enfuir; et par le tigre
Il est léché.
Il a par un viol possédé la victoire,
Il est prudent,
Mais guerroyeur; il compte arriver à la gloire,
Bazaine aidant.
Les peuples sur leur tête ont cette splendeur noire;
Il est debout;
César, majesté, prince,, empereur, dans l'histoire,
Et dans l'égout.
Le monde, ainsi qu'au temps de Claude et de Comnène,
Est là. béant,
Contemplant ce pygée énorme, grandeur naine,
Hautain néant:
Il est le sphinx du trône; il a pour toute règle
Le crime heureux;
Il habite un fond d'ombre; il est seul comme l'aigle
Et le lépreux.
Il a l'armée, il a l'église; il est superbe,
Blême, ébloui;
Et tous les crimes sont épanouis en gerbe
Autour de lui.
Il règne, il a la joie obscure de Tibère;
Il est content;
Et pendant ce temps-là,' le destin délibère,
Et l'ombre attend;
Et, soeur de Némésis, l'implacable logique
Au front serein,
Assise à son fourneau, chauffe à son feu tragique
Le vers d'airain.
26 novembre.
Pour l'écrivain vénal il est un dur moment.
Après avoir tiré de son encre qui ment
Tout ce qu'elle contient de noirceur et de bave,
Après avoir été l'affreuse plume esclave,
Après avoir haï pour le compte d'autrui,
Soudain cet homme un jôur. sent que, venant de lui,
L'injure est un éloge et la louange un blâme,
Et qu'il ne peut plus nuire à force d'être infame.
Quand il est démontré, prouvé, public, patent
Qu'on a livré son âme èt qu'on a reçu tant,
Qu'on est prostitué par brevet authentique,
Qu'au trottoir du chantage. on a tenu boutique,
Qu'on s'est fait insulteur, 'moyennant un loyer,
Qu'on est allé chez ceux. qui peuvent bien payer
Vendre de. l'imposture et de la calomnie,
Qu'on a, pour de l'argént, outragé le génie,
La probité, le droit, le courage, l'honneur,
On est mieux 'qu'assassin, on' est émpoisonneur;
On est moins qu'un bandit des bois, on est un drôle;
L'or aux mains flétrit plus que lè fer sur l'épaule.
Altwies, 18 septembre [1871].