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 Joseph Autran (1813-1877) L’Ermite.

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Joseph Autran (1813-1877) L’Ermite. Empty
MessageSujet: Joseph Autran (1813-1877) L’Ermite.   Joseph Autran (1813-1877) L’Ermite. Icon_minitimeDim 8 Jan - 18:57

L’Ermite.

L’orage, un soir d’hiver, faisant son tintamarre,
Avait surpris Roland dans les monts de Navarre.
Le tonnerre éclatait. Son cheval Veillantif
Avait peur; il ruait et se montrait rétif:
Ce n’était plus la bête obéissante et ferme.
Comme un oeil en courroux qui s’ouvre et se referme,
L’éclair, à tout moment, venait l’épouvanter.
Il fallait, par saint Jacque! à tout prix s’arrêter.

Dans ces vallons perdus où personne n’habite.
Le héros vint frapper chez un bon cénobite
Dont la cabane, au vent, faite de vieux roseaux,
Tremblait, et dont le toit fléchissait sous les eaux.

Le maître du logis, qui vint ouvrir la porte,
Était un grand vieillard, au teint de feuille morte;
Il couvrait de la main, pour l’abriter du vent,
La lanterne de fer qu’il tenait en avant.
« Béni soit l’étranger que cette heure m’amène!
Lui dit-il d’une voix qui s’entendait à peine.
Il fait un rude temps, ce soir; entrez, seigneur;
Je ne puis vous traiter avec beaucoup d’honneur:
Essuyons cependant cette belle cuirasse,
Et, sous mon humble toit, asseyez-vous, de grâce!»
Puis, au tiède foyer de sa pauvre maison,
Il souffla sur la cendre et fit luire un tison;
Puis il montra la table et tira d’une armoire
Un vin dont la couleur invitait à le boire.
« Bon père, dit le preux en lui tendant la main,
Quel âge as-tu? - Beau fils, j’ai deux cents ans demain,
Répondit le vieillard; j’ai vu dans ce bas monde
Bien des choses venir et passer comme l’onde.
Immobile témoin, j’ai vu, sans me troubler,
Des empires grandir et d’autres s’écrouler.
Deux siècles, c’est beaucoup! Mais toi, noble jeune homme,
Peux-tu me dire ici de quel nom l’on te nomme?
Quand on vit solitaire, on devient curieux.
Je vois un tel éclair dans l’azur de tes yeux,

Que je soupçonne en toi quelque rare mérite.
- Je m’appelle Roland», dit le preux à l’ermite.
L’ermite répondit: « Je n’attendais pas tant;
Et, puisque je t’ai vu, je peux mourir content.»

En achevant ce mot, il tomba contre terre;
Il n’était plus. Roland, sur ce mont solitaire,
Lui creusa de ses mains le lit du long sommeil;
Il y mit une croix; puis, voyant le soleil
Reparaître au couchant et dissiper l’orage,
A travers la montagne il reprit son voyage!


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Joseph Autran (1813-1877) L’Ermite.
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