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 Charles Beltjens. (1832-1890) À Beethoven (1886) Midi (1880) IV

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Charles Beltjens. (1832-1890) À Beethoven (1886) Midi (1880) IV Empty
MessageSujet: Charles Beltjens. (1832-1890) À Beethoven (1886) Midi (1880) IV   Charles Beltjens. (1832-1890) À Beethoven (1886) Midi (1880) IV Icon_minitimeMar 31 Jan - 22:58

IV

Tout ceci passera comme un torrent d’automne.
Cris, blasphèmes, fureurs, tous les bruits des vivants,
La fanfare éclatante et le canon qui tonne,
Seront tous à jamais dispersés par les vents.

Les bois profonds, les monts ailiers, les vastes plaines,
Les vallons pleins de Heurs, gracieux encensoirs,
Sentiront quelque jour de funestes haleines
Se mêler brusquement aux grands souffles des soirs.

Vous les verrez venir, ô villes stupéfaites,
Les essaims d’ouragans à la terre inconnus;
Ils s’abattront sur vous au milieu de vos fêtes
Et diront : « Nous voici, car les temps sont venus!

» Ils sont venus les temps d’équité vengeresse,
» D’Idée incorruptible et de droit souverain,
» Où la Justice aux yeux formidables se dresse,
» Dans sa droite élevant sa balance d’airain.

» Elle a pesé le monde et tout ce qui l’habite :
» Lourd de forfaits, son poids vers l’abîme a fléchi,
» Et la Mort, l’arrachant de son immense orbite,
» Va marquer du sceau noir le sépulcre blanchi.

» Car rien n’a prospéré chez vous, hormis l’ivraie; -
» Sourds à l’enseignement des sages confondus,
» A la voix des martyrs, dont la parole est vraie,
» Ivres, tournant les dos aux paradis perdus,

» Déchirant la nature avec vos mains ingrates,
» Sans pouvoir assouvir vos grossiers appétits,
» Faisant sonner bien haut vos exploits; de pirates,
» Rampant devant les forts, écrasant les petits,

» Sans vergogne foulant les lois saintes tuées,
» À tout ce qui fut grand prodiguant les affronts,
» Lâches, menteurs, plus vils que des prostituées,
» Le fiel aux coeurs, la l’ange aux mains, les fleurs aux fronts,

» Vous avez ricané devant le sort sévère,
» Et ri du droit chemin par le juste enseigné :
» En vain sur le Caucase, en vain sur le Calvaire,
» Prométhée et Jésus pour vous tous ont saigné.

» Vous avez préféré les lieux où la débauche
» De Vénus animale allume les fanaux,
» Et, soldats que Mammon au ventre d’or embauche,
» Grossi les légions des esprits infernaux.

» Les pleurs des orphelins ont engraissé vos treilles;.
» Vos crimes combleraient tout le gouffre marin;
» Phalaris, Phalaris, pour charmer vos oreilles,
» Les veuves ont gémi, dans vos taureaux d’airain!

» Polype affreux, le Mal chez, vous grouille et fourmille,
» Vous tenant enlacés dans ses vastes réseaux;
» Satan seul vous gouverne et sa noire famille,
» Assise à vos foyers, tourne en paix ses fuseaux.

» Et l’Envie, et l’Orgueil, hantant l’homme et la femme,
» L’Avarice au teint jaune écorchant les troupeaux,
» La Paresse, et l’Orgie, et la Luxure infâme
» En triomphe ont sur vous arboré leurs drapeaux.

» Et l’oeil en feu, pareille au tigre solitaire,
» Si longtemps parmi vous la Colère a rugi,
» Qu’il n’est plus désormais le moindre coin de terre
» Que du sang d’un Abel un Caïn n’ait rougi!

» L’acre vapeur du meurtre ou se complaît la haine
» Monte criant vengeance au grand ciel obscurci;
» Sa gueule toute grande ouverte, la Géhenne
» Est là qui vous attend; -c’est pourquoi nous voici! »

Ils viendront ces huissiers des divines colères,
Les grands exécuteurs, les sombres lendemains,
Sous un linceul, taillé dans les neiges polaires,
Chassant vers l’équateur tous les pâles humains.

Ils viendront du couchant, ils viendront de l’aurore,
Du midi radieux, du noir septentrion,
Dispersant l’assemblée où le tribun pérore,
Et la salle où, fardé, déclame l’histrion.

Les sénateurs assis sur leurs chaises curules,
Discutant et parquant les peuples par milliers,
Sous leurs verges d’éclairs, gigantesque férules.
Trembleront en pleurant comme des écoliers.

Sur les peuples hagards que la guerre extermine,
Et fuyant éperdus à travers les halliers,
Ils iront, secouant la peste et la famine,
Pareils à des semeurs vidant leurs tabliers.

Comme le Christ chassant à grands coups de lanières,
Hors du temple, vendeurs, trafiquants et filous,
Au fond de vos palais, au fond de vos tanières,
Ils sauront vous trouver, pasteurs pareils aux loups!

Qu’est-ce que vous direz, faiseurs de solitudes.
De qui le monde était le sanglant escabeau,
Sombres dominateurs des pâles multitudes,
Dont le seul geste ouvrait les portes du tombeau?

Les cèdres du Liban sont couchés dans les herbes;
La mer, ta mer entière est une urne qui bout;
Les trombes ont rasé les archipels superbes;
Sur les noirs continents les volcans sont debout!

A quoi vous serviront, altières Babylones,
Vos bastions, vos tours, vos remparts si vantés,
Quand le Nord formidable et les ardents cyclones
Soudain prendront d’assaut vos murs épouvantés?

Sur l’océan pareil au cheval qui se cabre,
Et prend le mors aux dents sous l’éperon d’acier,
Il accourt, le voici, le cavalier macabre
Qu’a vu Jean de Pathmos, le divin justicier!

Où vous cacherez-vous, conquérants, chasseurs d’hommes
Quand l’archange fera sonner sou grand clairon,
Et lorsque vous verrez vos Tyrs et vos Sodomes
Crouler comme des nids qu’abat le bûcheron?

Car cet arrêt figure au livre indélébile;
Après tant de forfaits monstrueux entassés,
Ainsi que l’ont prédit David et la Sibylle,
Le Juge appellera vivants et trépassés.

Vers les bleus paradis, avec des chants de gloire
Les martyrs monteront, revêtus de clartés;
Les méchants, dans la nuit inexorable et noire,
Descendront sous le poids de leurs iniquités.

Et la Mort dans un coin de l’espace accroupie,
Avec d’affreux éclats de rire triomphant,
Verra rouler la Terre ainsi qu’une toupie,
Qui tournoie et bondit sous le fouet d’un enfant.

Et toi-même, ô Soleil, sultan de l’empyrée,
Toi qui luis sur nos fronts si superbe et si beau,
Déjà le temps, jaloux de ta gloire azurée,
Dans l’abîme inconnu te prépare un tombeau!

Comme un ange tombé des hauteurs sidérales
Que le trépas vengeur marque de son affront,
Tu sentiras les mains des heures sépulcrales
De ses fières clartés découronner ton front;

Et suivi du convoi des planètes funèbres,
De tes rayons éteints sérail déshérité,
Au fond du morne oubli, gardé par les ténèbres
Tu t’en iras dormir pour une éternité!
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Charles Beltjens. (1832-1890) À Beethoven (1886) Midi (1880) IV
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