LES PARQUES
Sages et fous, gueux et monarques,
Apprenez un fait tout nouveau:
Bacchus a vidé son caveau
Pour remplir la coupe des Parques.
C'est afin de plaire aux amours,
Qui chantaient d'une voix sonore:
Que tout mortel ajoute encore
Des jours heureux à ses beaux jours!
Du monde éternelle ennemie,
Atropos, au fatal ciseau,
Buvant à longs traits et sans eau,
Sur la table tombe endormie;
Mais ses deux soeurs filent toujours,
Souriant à qui les implore.
Que tout mortel ajoute encore
Lachésis, remplissant sa tasse,
S'écrie: Atropos dort enfin!
Mais trop sec, hélas! Et trop fin,
Je crains que mon fil ne se casse.
Pour le tremper ayons recours
À ce nectar qui me restaure.
Que tout mortel ajoute encore
Garnissant sa quenouille immense,
Clotho lui dit: oui, travaillons;
De vin arrosons les sillons
Où de mon lin croît la semence.
Cette rosée aura toujours
Le pouvoir de la faire éclore.
Que tout mortel ajoute encore
Quand ces Parques, vidant bouteille,
Filent nos jours sans nul souci,
Nous qui buvons gaîment ici,
Craignons qu'Atropos ne s'éveille.
Qu'elle dorme au gré des amours,
Et répétons à chaque aurore:
Que tout mortel ajoute encore