MA REPUBLIQUE
J'ai pris goût à la république
Depuis que j'ai vu tant de rois:
Je m'en fais une, et je m'applique
À lui donner de bonnes lois.
On n'y commerce que pour boire,
On n'y juge qu'avec gaîté;
Ma table est tout son territoire;
Sa devise est la liberté.
Amis, prenons tous notre verre:
Le sénat s'assemble aujourd'hui.
D'abord, par un arrêt sévère,
À jamais proscrivons l'ennui.
Quoi! Proscrire? Ah! Ce mot doit être
Inconnu dans notre cité.
Chez nous l'ennui ne pourra naître:
Le plaisir suit la liberté.
Du luxe, dont elle est blessée,
La joie ici défend l'abus;
Point d'entraves à la pensée,
Par ordonnance de Bacchus.
À son gré que chacun professe
Le culte de sa déité;
Qu'on puisse aller même à la messe:
Ainsi le veut la liberté.
La noblesse est trop abusive:
Ne parlons point de nos aïeux.
Point de titre, même au convive
Qui rit le plus ou boit le mieux.
Et si quelqu'un, d'humeur traîtresse,
Aspirait à la royauté,
Plongeons ce César dans l'ivresse,
Nous sauverons la liberté.
Trinquons à notre république,
Pour voir son destin affermi.
Mais ce peuple si pacifique
Déja redoute un ennemi:
C'est Lisette qui nous rappelle
Sous les lois de la volupté.
Elle veut régner, elle est belle;
C'en est fait de la liberté.