L'EXILE
Janvier 1817.
À d'aimables compagnes
Une jeune beauté
Disait: dans nos campagnes
Règne l'humanité.
Un étranger s'avance,
Qui, parmi nous errant,
Redemande la France
Qu'il chante en soupirant.
D'une terre chérie
C'est un fils désolé.
Rendons une patrie,
Une patrie
Au pauvre exilé.
Près d'un ruisseau rapide
Vers la France entraîné,
Il s'assied, l'oeil humide,
Et le front incliné.
Dans les champs qu'il regrette
Il sait qu'en peu de jours
Ces flots que rien n'arrête
Vont promener leur cours.
D'une terre chérie
C'est un fils désolé.
Rendons une patrie,
Une patrie
Au pauvre exilé.
Quand sa mère, peut-être
Implorant son retour,
Tombe aux genoux d'un maître
Que touche son amour,
Trahi par la victoire,
Ce proscrit, dans nos bois,
Inquiet de sa gloire,
Fuit la haine des rois.
D'une terre chérie
C'est un fils désolé.
Rendons une patrie,
Une patrie
Au pauvre exilé.
De rivage en rivage
Que sert de le bannir?
Par-tout de son courage
Il trouve un souvenir.
Sur nos bords, par la guerre
Tant de fois envahis,
Son sang même a naguère
Coulé pour son pays.
D'une terre chérie
C'est un fils désolé.
Rendons une patrie,
Une patrie
Au pauvre exilé.
Dans nos destins contraires,
On dit qu'en ses foyers
Il recueillit nos frères
Vaincus et prisonniers.
De ces temps de conquêtes
Rappelons-lui le cours;
Qu'il trouve ici des fêtes,
Et sur-tout des amours.
D'une terre chérie
C'est un fils désolé.
Rendons une patrie,
Une patrie
Au pauvre exilé.
Si notre accueil le touche,
Si, par nous abrité,
Il s'endort sur la couche
De l'hospitalité;
Que par nos voix légères
Ce français réveillé
Sous le toit de ses pères
Croie avoir sommeillé.
D'une terre chérie
C'est un fils désolé.
Rendons une patrie,
Une patrie
Au pauvre exilé.