HALTE-LA!
Chanson de fête pour Marie.
1820.
Comment, sans vous compromettre,
Vous tourner un compliment?
De ne rien prendre à la lettre
Nos juges ont fait serment.
Puis-je parler de Marie?
V dira: " non.
C'est la mère d'un messie,
Le deuxième de son nom.
Halte-là!
Vite en prison pour cela. "
Dirai-je que la nature
Vous combla d'heureux talents;
Que les dieux de la peinture
Sont touchés de votre encens;
Que votre ame encor brisée
Pleure un vol fait par des rois?
" ah! Vous pleurez le musée,
Dit M le gaulois.
Halte-là!
Vite en prison pour cela. "
Si je dis que la musique
Vous offre aussi des succès;
Qu'à plus d'un chant héroïque
S'émeut votre coeur français:
" on ne m'en fait point accroire,
S'écrie H radieux;
Chanter la France et la gloire,
C'est par trop séditieux.
Halte-là!
Vite en prison pour cela. "
Si je peins la bienfaisance
Et les pleurs qu'elle tarit;
Si je chante l'opulence
À qui le pauvre sourit,
J D P
Dit: " la bonté rend suspect;
Et soulager l'infortune,
C'est nous manquer de respect.
Halte-là!
Vite en prison pour cela. "
En vain l'amitié m'inspire:
Je suis effrayé de tout.
À peine j'ose vous dire
Que c'est le quinze d'août.
" le quinze d'août! S'écrie
B toujours en fureur:
Vous ne fêtez pas Marie,
Mais vous fêtez l'empereur!
Halte-là!
Vite en prison pour cela. "
Je me tais donc par prudence,
Et n'offre que quelques fleurs.
Grand dieu! Quelle inconséquence!
Mon bouquet a trois couleurs.
Si cette erreur fait scandale,
Je puis me perdre avec vous.
Mais la clémence royale
Est là pour nous sauver tous...
Halte-là!
Vite en prison pour cela.