LA SYLPHIDE
La raison a son ignorance;
Son flambeau n'est pas toujours clair.
Elle niait votre existence,
Sylphes charmants, peuples de l'air;
Mais, écartant sa lourde égide
Qui gênait mon oeil curieux,
J'ai vu naguère une sylphide.
Sylphes légers, soyez mes dieux.
Oui, vous naissez au sein des roses,
Fils de l'aurore et des zéphyrs;
Vos brillantes métamorphoses
Sont le secret de nos plaisirs.
D'un souffle vous séchez nos larmes;
Vous épurez l'azur des cieux:
J'en crois ma sylphide et ses charmes.
J'ai deviné son origine
Lorsqu'au bal, ou dans un banquet,
J'ai vu sa parure enfantine
Plaire par ce qui lui manquait.
Ruban perdu, boucle défaite;
Elle était bien, la voilà mieux.C'est de vos soeurs la plus parfaite.
Que de grace en elle font naître
Vos caprices toujours si doux!
C'est un enfant gâté peut-être,
Mais un enfant gâté par vous.
J'ai vu, sous un air de paresse,
L'amour rêveur peint dans ses yeux.
Vous qui protégez la tendresse,
Mais son aimable enfantillage
Cache un esprit aussi brillant
Que tous les songes qu'au bel âge
Vous nous apportez en riant.
Du sein de vives étincelles
Son vol m'élevait jusqu'aux cieux;
Vous dont elle empruntait les ailes,
Hélas! Rapide météore,
Trop vite elle a fui loin de nous.
Doit-elle m'apparaître encore?
Quelque sylphe est-il son époux?
Non, comme l'abeille elle est reine
D'un empire mystérieux;
Vers son trône un de vous m'entraîne.