MAUDIT PRINTEMPS!
Je la voyais de ma fenêtre
À la sienne tout cet hiver:
Nous nous aimions sans nous connaître;
Nos baisers se croisaient dans l'air.
Entre ces tilleuls sans feuillage
Nous regarder comblait nos jours.
Aux arbres tu rends leur ombrage;
Maudit printemps! Reviendras-tu toujours?
Il se perd dans leur voûte obscure
Cet ange éclatant qui là-bas
M'apparut, jetant la pâture
Aux oiseaux un jour de frimas:
Ils l'appelaient, et leur manège
Devint le signal des amours.
Non, rien d'aussi beau que la neige!
Sans toi je la verrais encore,
Lorsqu'elle s'arrache au repos,
Fraîche comme on nous peint l'aurore
Du jour entr'ouvrant les rideaux.
Le soir encor je pourrais dire:
Mon étoile achève son cours;
Elle s'endort, sa lampe expire.
C'est l'hiver que mon coeur implore:
Ah! Je voudrais qu'on entendît
Tinter sur la vitre sonore
Le grésil léger qui bondit.
Que me fait tout ton vieil empire,
Tes fleurs, tes zéphyrs, tes longs jours?
Je ne la verrai plus sourire.