PLUME DE POÉSIES
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 François Bérenger De La Tour d'Albenas En Vivarez (1529?-1559?) Carlin. Guiot.

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François Bérenger De La Tour d'Albenas En Vivarez (1529?-1559?) Carlin.  Guiot. Empty
MessageSujet: François Bérenger De La Tour d'Albenas En Vivarez (1529?-1559?) Carlin. Guiot.   François Bérenger De La Tour d'Albenas En Vivarez (1529?-1559?) Carlin.  Guiot. Icon_minitimeMar 28 Fév - 23:15

Eglogue Seconde.


Carlin. Guiot.

He mon Guiot. G. He mon Carlin,
Ce grand dieu à tout bien enclin
Te doint santé. C. Mais quelle chere
Despuis que ne t'ay veu. G. Legere,
Tousjours plein d'amoureux soucy,
Qui me rend solitaire icy,
Ou tout plaisir m'est interdict.
C. Est ce par amour? G. Tu l'as dict
C. Croys tu qu'ennuyeux soit d'aymer?
G. Ainsi ne le veux estimer.
C. Pourquoy donq si grand dueil te poingt?
G. C'est pource qu'on ne m'ayme point.
Et celle dont j'ay tant d'esmoy,
En ayme un autre plus que moy.
C. Moyen y ha pour y attaindre,
G. Mais l'amour ne se peut contraindre,
Ah Carlin à ma volonté
Mon dernier jour me fust compté
Lendemain de. C. Tes nopces. G. Non:
C. Guiot si tu me dis le nom,
Encor s'y trouvera remede.
G. Bien leger, si elle me m'aide.
Seulle me peut donner repos,
Mais pour achever mon propos,
Je voudroys estre ensevely
Apres avoir d'elle cueilly
Un seul baiser. C. C'est peu de chose.
Dy moy son nom. G. Son nom? je n'ose.
Tant de peur se mesle parmy
Mon amitié? C. A ton amy?
G. Amy n'y ha tel que soy mesme.
C. As tu peur que le bruit je seme
De cecy? Guiot tu scais bien
Que je t'ayme. G. Mais c'est grand bien
De couvrir tousjours ses secretz.
C. Ouy, fors aux amys discretz
Et je suis la fleur de ceux là,
G. Je ne diray jamais cela:
C. Et bien, et si je le devine?
G. Alors comme alors: C. Est ce Andrine
La bergere tant fresche et gaye?
G. Tu as mis le doigt en la playe,
C'est elle sans autre, c'est elle.
C. Andrine! c'est bien la plus belle
Qui herbe onq de ses piedz foula:
Mais comment te dressas tu là?
Quel moyen euz tu, quel accez?
G. Certains jours avant le decez
De Robin son pere, j'estoy
Aupres de ce ruisseau. C. Qui toy?
G. Ouy, moymesme: escoute donq:
J'apperceu venir tout le long
De ce pré, Andrine, laquelle
Ses brebis chassoit devant elle
Avec un rameau de pouplier,
Lequel par fois faisoit plier
Dessus la croupe ores de ceste
Ores de celle, et la doucette
Chantoit, scais tu une chanson
Si bien, qu'on s'endormoit au son
Si doux accord elle tenoit:
Et son troupeau icy menoit
Abrever: Or icy venue,
L'une et puis l'autre jambe nue
Lava: et moy estant derriere
En jeu, luy jettay une pierre,
Dont l'eau repoulsant en l'aer, royde
La baigna. C. Estoit elle froide?
G. Dieu m'en gard! Car c'estoit au temps
Des Cigalles. C. Or bien j'entends
Apres. G. Subit je me retire.
C. Et elle? G. Ne faisoit que rire.
Tenant l'oeil ouvert cà, et là,
Pour veoir qui avoit faict cela:
Mais j'estoy derriere un buisson
A couvert. C. Ha mauvais garcon!
Bien cuidoit que tu feusses pres.
G. Or voicy le meilleur apres.
Je sors et m'approchant tout beau
Feis semblant la jetter en l'eau,
Qui m'embrassa. C. De peur de choir?
G. Mais d'aise qu'avoit de me veoir,
Au moins me le sembloit ainsi:
Dont moy tresjoyeux de cecy,
Recourbay mes deux bras alors
A l'entour de ce tendre corps,
Et subit la vins embrasser:
Mais gueres ne l'osay presser.
C. Pourquoy non? Responds si tu veux.
G. De peur de la coupper en deux:
Tant la trouvoye gresle, et tendre.
C. ô je veux bien la fin entendre
Que s'en ensuit. G. Mille propos
Qu'apres nous tinsmes à repoz
Tous deux assis au bord de l'eau:
C. D'amour? G. Je ne fus pas si veau,
Des brebis du faict de mesnage:
Et ce pendant en mon visage
Je sentoys un feu monter,
Et le poux du bras se haster
Trop plus que n'avoit de coustume:
C. C'est signe quand Amour s'allume.
G. Ma langue begue devenoit.
Et quelque neble se tenoit
Aux yeux, les empeschant de veoir.
C. Amour aussi ha ce pouvoir.
G. Mes souspirs trouvants l'huys ouvert,
Se meirent tous à descouvert
Se pressans l'un l'autre à l'issue:
Que par la claye mal tissue
Noz gras troupeaux mieux ne se pressent,
Quand les bergers, peu cautz, les laissent.
C. C'est l'amour Guiot qui te poingt.
Mais ne la baisois tu point? G. point.
C. Quand ton oeil son beau corps eut veu,
Tu en fus assez repeuz. G. peu.
C. Ne te rendoit elle esjouy
Quand parler t'eut ouy? G. Ouy,
Toutesfois le desir ardant
Que j'avoy en la regardant,
Combatoit avecques la crainte
C. Dequoy? qu'elle devinst enceinte?
G. He causeur: mais pource que j'ayme.
C. Comme font amans de caresme,
Qui ne touchent point à la chair.
G. Je l'ayme pour ne m'approcher
D'un tel abuz. C. Donq et pourquoy
Avois si grand' crainte? G. Or taiz toy.
Car aymant, aymé je ne suis:
Et ainsi ay vescu despuis.
C. Encor y ha bonne esperance.
G. Tresbonne, mais peu d'asseurance
C. Guiot que je sache le tout.
G. Tu en as veu presque le bout
C. Quelle faveur? G. froide en saveur.
C. Que devins tu? G. Un grand réveur,
Ennuyé de longue poursuite
C. Qu'en as tu pour la suite? G. fuite
Et tout cela pour abreger
Qui fait les amans enrager.
C. A la fin ne t'approchois tu
Pres d'elle? G. C'est bien entendu:
Approcher las! Tant qu'on vouloit,
Mais tousjours elle reculloit,
Fuyant de moi à sautz traynez:
Si qu'en bref fusmes destournez
Du lieu ou la trouvay seulette
Environ un traict d'arbaleste.
C. Et depuis? G. A aymer l'induis:
Mais certes la chaine d'un puits
N'est si froide qu'elle se monstre:
Car par fois si je la rencontre
En chemin, et l'arreste là,
Hay dit elle laissez cela:
J'ay haste, laissez moy aller:
Si que loisir n'ay de parler
Un mot, tant se monstre farouche:
Et par tout là ou je la touche
Dit qu'elle ha mal. C. Et tu la crois?
G. Pourquoi non, Carlin quelque fois?
Bien autre chose que je n'ose,
Quand ma main sur elle je pose,
La presser, tant je crains à l'heure
Que la piece ne me demeure
C. Ouy qui presser la voudroit
Comme quand un bois on romproit,
Ou trop tendre tu me la fais.
G. Ainsi qu'un petit beurre frais,
Et plus encore comm' il semble:
Mesmes hier quand estions ensemble,
Et sa main tendre alloys touchant
Comme on fait draps chez le marchand,
Ou ainsi que les toilles fines.
C. mon amy ce ne sont que mines,
Alors que ses propoz te dict
Ne rit elle? G. Quelque petit.
C. donq elle t'ayme? G. Ouy, loing d'elle.
Ma creance au moins en est telle:
Toutesfois le jour du dimenche
Elle ha une ceinture blanche
De moy, qu'elle porte souvent:
Souvent aussi port' au devant
De son front un' autre en guyrlande.
C. C'est figure que l'amour est grande.
Mais quoy? ne te donne elle rien?
G. Tu l'as dict, rien. C. je m'entendz bien,
S'elle te donne quelque chose.
G. Je n'ay oncques eu qu'une rose
Laquelle en un brevet je garde,
Pour guerir de la fievre quarte
A un besoing: et pour icelle
Mon amy je t'asseure qu'elle
Despuis en cà, ha eu de moy
Deux cents bouquetz. C. Or je t'en croy
Encor est prou qu'elle les prenne
G. Je dy sans ceux là que je traine
Tous les jours et moyen ne treuve
Pour les bailler, ô que j'espreuve
De maux ou plus un cueur se fasche!
Cuides tu Carlin que je sache
Qu'est de repos, il ha trois moys
Que couché ne me suis trois fois
En lict, C. Que fais tu donq le seoir?
G. Le plus souvent me vay asseoir
A la rue, pres de sa porte
Et là ma musette je porte
Avec quoy je plaintz mes ennuys:
Je fais cela toutes les nuicts.
Mais de mon faict compte ne fait.
C. Pour autant qu'elle ne le scait.
G. Ne le scait! Qui ne le scauroit?
Mais qui le blyron n'ouyroit
De ma Musette à triple voix?
Veu mesmes que là mille fois
Pour sonner me suis allé mettre.
C. Sans veoir aucun à la fenestre?
G. Il est vray, ry t'en hardiment,
Quand l'amour eut commencement.
Un seoir me sembloit veoir parmy
La fenestre ouverte à demy
Andrine, encor me sembloit
Que d'un blanc linge s'affubloit
La teste pour n'estre congneuë,
Et au reste qu'elle estoit nue.
C. He ribaud! G. Adonq je forcay
Ma musette par tel essay
Que l'on n'oyoit à l'environ
Fors son bly bly, blyron blyron
Dont m'en senty trois jours apres.
C. C'estoit elle au moins? G. Quand de pres
L'euz regardée: he, he: je ris.
C. Je croy que là tu fus bien pris:
Que le faict bien tost me descouvres.
G. Brief c'estoit l'une de ses chevres,
Je ne scay comme l'ose dire.
C. Il y ha assez dequoy rire
Povre abusé! G. Qu'y ferois tu?
C'est amour qui ha la vertu
D'aveugler et oster le sens.
Dire le puis: car je le sents,
Et l'ay senty il ha long temps.
Advise Carlin cy dedans,
Fais que ta main plus avant entre.
C. Je croy que la peau de ton ventre
Est plus seiche, maigre, et deffaicte
Que n'est celle de ta musette,
Il te faut pourveoir à cecy.
G. J'estois encores plus transi
Quand Robin fut mis au sarcueil
Et le temps qu'elle porta dueil.
Car n'osoy d'elle m'approcher:
Ma musett' aussi sans toucher
Demeura à un clou pendue,
Et jamais ne fut entendue
Fors le jour que son dueil laissa,
Et n'ay cessé despuis en cà
De chanter comme au paravant,
Mais ce n'est que chansons au vent.
C. Je mettroy peine à l'oblier,
Ou bien autrement la lier
Par amitié. G. Quelle pitié!
C. Si ne peux de tout, la moitié,
Ton mal au moins en seroit moindre.
G. Tant souvent me suis venu oindre
De graisse de mulle: et en oultre
Tant souvent ay prins de la poudre
De ses piedz et l'ay avallée
En urine de bouq meslée:
J'ay cherché remedes nouveaux
Jusques aux plumes des oyseaux,
Qui sont de plus sinistr' augure:
Et toutesfois l'amitié dure.
Et pour me fair' aymer sans faincte
Au ciel n'y ha ny sainct ny saincte
Qu'express' oraison ne luy fasse:
Et par tout là ou elle passe,
Avec soy porte l'os senestre
D'une rayne, que je vins mettre
En un ply de sa robbe, ensemble
De l'oyseau à qui la voix tremble
Le cueur que je reduitz en poudre.
C. Mais comment peux tu cela couldre,
Qu'elle ne vinst contrarier?
G. Je le feis chez le couturier,
Au paravant que l'eust vestue.
Mais comme que je m'esvertue,
De tous coustez, je perds ma peine,
C. Quelque jour de ceste sepmaine
En parlerons plus amplement
A Dieu Guiot. G. si promptement!
Encores le meilleur demeure.
C. Guiot, je sens approcher l'heure.
Pour joindre mes boeufz. Or adieu.
G. Tu me trouveras en ce lieu
Tousjours esloigné de repos.
Carlin? C. Qu'y ha? G. De noz propos
Mal aucun. C. Voy, tu me fais rire
Cela s'entend bien sans le dire.

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François Bérenger De La Tour d'Albenas En Vivarez (1529?-1559?) Carlin. Guiot.
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