Automne
À mon ami, Charles Gill.
Oh! les funèbres chants que nous gémit l'automne!
Oh! la triste pitié des estivals sanglots!
Automne : froid rayon, bruit des vents, choc des flots,
Fuites d'oiseaux zébrant les fonds du ciel atone!
Oh! toute la sombreur des soirs endoloris
Ombrageant les grands pins qui branlent des fronts chauves,
Et sur le sol crispé l'amas des feuilles fauves,
Symbole de nos coeurs, de nos chairs, de nos cris!
Automne!... Pleurs et deuils... N'éveillons pas la tombe.
Donnez, nature, et vous, marchez vos pas tremblants
Et toi, silence... et toi, vieillard aux cheveux blancs,
Va mêler ta poussière au brin d'herbe qui tombe.
Partez, humains, allez enclore vos néants
Sous l'immobilité qui pour toujours vous garde,
Vils troupeaux confiés à l'immortelle garde
De l'Ombre et de la Mort, ces deux lutteurs géants.
Partez, car il n'est plus de feuilles dans les arbres
Ni de fleurs dans les prés, ni d'oiseaux dans les bois :
Ce n'est plus le printemps, ce n'est plus l'autrefois,
Et les fronts sont roidis comme le froid des marbres.
Pleurs et deuils!... Oh! partez pour l'éternelle nuit
Qui, de ses doigts plombés, clora votre paupière
Et vous endormira sous votre croix de pierre
Avec tout ce qui passe, avec tout ce qui fuit!
Adieu!... Le vent dira votre glas monotone.
Nos douleurs planeront sur nos spectres glacés!
Dors, nature! Dormez aussi bons trépassés...
Oh! le funèbre adieu que leur clame l'automne!...