II
N'importe cela... Vivons, nous qui sommes
Les rêveurs d'hier ou de l'aujourd'hui;
Vivons, nous, la haine ou l'espoir des hommes :
Bientôt nous saurons où l'oeuvre conduit...
Chantons les climats où la plume mène,
Chantons la candeur, l'astre, l'univers;
Respectons du pas sur la route humaine
Le grillon qui chante et les gazons verts.
Et voyant alors que notre âge arrive,
Dans la paix de l'ombre et la volupté,
Nous reposerons sur la fraîche rive
Où chante à jamais l'immortalité.
Devant un Enfant Jésus
Je disais : Imposture... et reniais ta croix
En faisant, sous tes yeux, rire ma face altière;
Et, dans mon coeur de fauve où grondait la matière,
J'avais maudit l'amour et dédaigné les rois.
Mais, depuis... Ah! depuis, je t'acclame et je crois
Car ta divinité berce mon âme entière;
L'athéïsme repose au gouffre, cimetière
Creusé dans le tourment de ses propres effrois.
Christ, je t'encenserai puisqu'il faut qu'on t'encense;
Je tairai mon orgueil, et, fort de ta puissance,
Je baiserai, contrit, tes pas ensanglantés,
Pour que je puisse alors, prêtre, muezzin ou bonze,
Dans la crainte et l'espoir de tes éternités,
Courber mon front terni devant ton front de bronze.