AUX CÉLIBATAIRES
Allons, debout! pauvres célibataires,
Vous que la femme abreuve de mépris!
Abandonnez vos gîtes solitaire,
Où l'on ne voit que des chats favoris!
De votre coeur bannissez la souffrance:
Ne soyez plus désormais soucieux;
Et saluez avec joie, espérance,
Le nouvel an qui brille au front des cieux!
Car en ce jour de fête universelle,
La fille d'Ève absout les amoureux;
Sa douce voix attendrit l'infidèle,
Et son regard rend les hommes heureux.
En votre honneur elle fait sa toilette;
Elle embellit de fleurs ses longs cheveux;
A son faux col rayonne l'épinglette
Qu'elle reçut un soir avec vos voeux!
Vite, debout! accourez donc vers elle
Vous que l'ennui torture tous les jours!
Et dites-lui: «Ma tendre demoiselle,
Je pleure encor mes premières amours;
«Je suis cruel, barbare et bien coupable
D'avoir blessé vos nobles sentiments;
Mais mon offense est-elle impardonnable?
Oh! non; alors, reprenez mes serments.»
Mariez-vous! l'Évangile l'ordonne;
C'est un devoir sacré pour le chrétien,
Aux bons époux parfois le Seigneur donne
La paix de l'âme et le pain quotidien.
C'est le souhait, braves célibataires,
Que je formule en ce beau jour de l'an
A l'avenir, soyez moins solitaires;
Rendez des points aux plus jeunes galants!
1er janvier 1883.