Au printemps
À -M. Fleury.
I
Te Deum laudamus!. Avril
A chassé les froids, le grésil,
Les avalanches.
Notre printemps est de retour,
Et partout un frisson d'amour
Court sous les branches.
La vie a germé de la mort.
Adieu les bourrasques du nord!
La brise est chaude.
Où le frimas étincelait
L'herbe naissante a le reflet
De l'émeraude.
Même dans l'arbre renversé
La sève bout à flot pressé
Et s'extravase.
Dans le val désert et muet
La source, où rien ne remuait,
Palpite et jase.
Le soleil argente l'arceau
Du pin et l'azur du ruisseau;
La feuille pousse;
La pervenche s'épanouit;
Des hymnes montent jour et nuit
Des nids de mousse.
Voilé d'un diaphane encens,
Avec mille bruits caressants
Le flot déferle;
Et, le soir, l'astre au firmament
Luit de l'éclat du diamant
Et de la perle.
D'âcres parfums sortent des eaux.
Le vent, balançant les roseaux,
Chasse la brume.
Le bosquet semble un reposoir,
Et, comme un énorme encensoir,
Le coteau fume.
Oh! oui, tout est ressuscité;
Tout reprend sa fécondité
Et sa caresse.
Hommes et bêtes sont joyeux.
La nature aux coeurs comme aux yeux
Jette l'ivresse.
Cependant le charme inouï
Que prodigue à l'être ébloui
Mai qui flamboie,
Hélas! ne sait plus m'émouvoir;
Mon âme est fermée à l'espoir
Comme à la joie.
Je songe qu'une autre saison
Va ternir encor le gazon
Et les étoiles.
Je revois neiges et glaçons;
Et je sens déjà des frissons
Jusques aux moelles.
Du sombre hiver je suis hanté.
Comme un poète l'a chanté
Dans sa tristesse,
Celui que le sort a blessé
« N'a qu'un printemps, c'est son passé,
« C'est sa jeunesse! »