II
Après la neige et le froid noir,
Je me plais pourtant à revoir
Le lis éclore,
Rutiler le soleil joyeux
Sur les tombeaux silencieux
Qu'il baigne et dore.
Je me plais, désertant mon seuil,
Lorsque du merle ou du bouvreuil
Les chants s'éveillent,
À rentrer dans les champs étroits
Où, couchés au pied de la croix,
Les miens sommeillent.
Dans le cimetière dormant
Je retrouve un isolement
Qui me repose;
Je rêve qu'avant bien des jours
J'irai là poser pour toujours
Mon front morose.
Je rêve qu'en un soir de mai,
Au flanc d'un coteau parfumé
De l'âpre Beauce,
Sous la terre je sentirai
Qu'une fleur du sol adoré
Croît sur ma fosse;
Que cette fleur du doux pays
Où je reçus d'êtres chéris
L'adieu suprême.
Avec ses lèvres de carmin
Peut-être aura baisé la main
De ceux que j'aime.
Et je compte qu'à son parfum,
À pas lents, dans l'ombre, quelqu'un,
Dont je vénère
Les nobles et pieux accents,
Viendra parfois mêler l'encens
D'une prière.