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 François-René Chateaubriand (1768-1848) Préface

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François-René  Chateaubriand (1768-1848) Préface Empty
MessageSujet: François-René Chateaubriand (1768-1848) Préface   François-René  Chateaubriand (1768-1848) Préface Icon_minitimeJeu 24 Mai - 11:10

Préface

Le succès des poèmes d'Ossian en Angleterre fit naître une foule d'imitateurs de
Macpherson. De toutes parts on prétendit découvrir des poésies erses ou
galliques [Qui à rapport à l'ancienne Gaule.] ; trésors enfouis que l'on
déterrait, comme ceux de quelques mines de la Cornouaille, oubliées depuis le
temps des Carthaginois. Les pays de Galles et d'Irlande rivalisèrent de
patriotisme avec l'Ecosse ; toute la littérature se divisa : les uns soutenaient
avec Blair que les poèmes d'Ossian étaient originaux ; les autres prétendaient
avec Johnson qu'Ossian n'était autre que Macpherson. On se porta des défis ; on
demanda des preuves matérielles : il fut impossible de les donner, car les
textes imprimés des chants du fils de Fingal ne sont que des traductions
galliques des prétendues traductions anglaises d'Ossian.

Lorsqu'en 1793 la révolution me jeta en Angleterre, j'étais grand partisan du
barde écossais : j'aurais, la lance au poing, soutenu son existence envers et
contre tous, comme celle du vieil Homère. Je lus avec avidité une foule de
poèmes inconnus en France, lesquels, mis en lumière par divers auteurs, étaient
indubitablement à mes yeux du père d'Oscar, tout aussi bien que les manuscrits
runiques de Macpherson. Dans l'ardeur de mon admiration et de mon zèle, tout
malade et tout occupé que j'étais [Voyez la Préface de l'Essai historique ,
Oeuvres complètes. (N.d.A.)] , je traduisis quelques productions ossianiques de
John Smith. Smith n'est pas l'inventeur du genre ; il n'a pas la noblesse et la
verve épique de Macpherson, mais peut-être son talent a-t-il quelque chose de
plus élégant et de plus tendre. Au reste, ce pseudonyme, en voulant peindre des
hommes barbares et des moeurs sauvages, trahit à tout moment, dans ses images et
dans ses pensées, les moeurs et la civilisation des temps modernes.

J'avais traduit Smith presque en entier : je ne donne que les trois poèmes de
Dargo, de Duthona et de Gaul . C'est pour l'art une bonne étude que celle de ces
auteurs ou de ces langues qui commencent la phrase par tous les bouts, par tous
les mots, depuis le verbe jusqu'à la conjonction, et qui vous obligent à
conserver la clarté du sens au milieu des inversions les plus audacieuses. J'ai
fait disparaître les redites et les obscurités du texte anglais : ces chants qui
sortent les uns des autres, ces histoires qui se placent comme des parenthèses
dans des histoires, ces lacunes supposées d'un manuscrit inventé peuvent avoir
leur mérite chez nos voisins ; mais nous voulons en France des choses qui se
conçoivent bien et qui s'énoncent clairement . Notre langue a horreur de ce qui
est confus, notre esprit repousse ce qu'il ne comprend pas tout d'abord. Quant à
moi, je l'avoue, le vague et le ténébreux me sont antipathiques : un nominatif
qui se perd, des relatifs qui s'embarrassent, des amphibologies qui se forment
me désolent. Je suis persuadé qu'on peut toujours dégager une pensée des mots
qui la voilent, à moins que cette pensée ne soit un lieu commun guindé dans des
nuages : l'auteur qui a la conscience, de ce lieu commun n'ose le faire
descendre du milieu des vapeurs, de crainte qu'il ne s'évanouisse.

Je répète ici ce que j'ai dit ailleurs : je ne crois plus à l'authenticité des
ouvrages d'Ossian, je n'ai plus aussi pour eux le même enthousiasme : j'écoute
cependant encore la harpe du barde, comme on écouterait une voix, monotone il
est vrai, mais douce et plaintive. Macpherson a ajouté aux chants des Muses une
note jusqu'à lui inconnue ; c'est assez pour le faire vivre. Oedipe et Antigone
sont les types d'Ossian et de Malvina, déjà reproduits dans le Roi Lear . Les
débris des tours de Morven, frappés des rayons de l'astre de la nuit, ont leur
charme ; mais combien est plus touchante dans ses ruines la Grèce, éclairée,
pour ainsi dire, de sa gloire passée !




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