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 Sidonie-Gabrielle Colette.(1873-1954) LE CINÉ. (Le Matin, 19 mars 1914)

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James
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MessageSujet: Sidonie-Gabrielle Colette.(1873-1954) LE CINÉ. (Le Matin, 19 mars 1914)   Sidonie-Gabrielle Colette.(1873-1954)  LE CINÉ. (Le Matin, 19 mars 1914) Icon_minitimeVen 22 Juin - 17:48

LE CINÉ. (Le Matin, 19 mars 1914)

Cette halle sonore de brique, de fer et de vitres, ce n'est qu'un petit coin de
l'usine cinématographique, énorme, le ciné, selon l'abréviation professionnelle.
Car le spectateur dit : « Je vais au cinéma », tandis que l'acteur, le mime,
disent : « Je fais du ciné. »

Les pas sonnent comme dans une gare ; il faut, en marchant, heurter et
contourner un étrange bagage de cages à fauves, de paniers où caquettent des
poules captives, de rochers en carton, de degrés en faux marbre. Une portion «
plantée » de la salle rassemble, le long de l'Adriatique bleue, les roses
grimpantes, la pergola d'une villa italienne, une terrasse à balustres où,
soudain, s'assoit un noble couple : seigneur en velours violet, et sa compagne
en raide corselet de brocart, qui lui murmure sans douceur : « Cause-moi,
voyons, cause-moi! On a l'air d'attendre le métro! » Le feu mauve des
projecteurs les accable, ils ont les lèvres noires et des yeux miroitants de
mulâtres, soulignés de bleu sombre.

Un autre astre aveuglant éclaire, non loin d'eux, un enclos grillé où se
meuvent, contre une tenture pékinée de salon Louis XVI, deux lions et une lionne
éblouis, humiliés sous tant de lumière. La lionne s'affole, bondit et retombe de
tout son poids sur un employé du ciné, qu'elle roule. On dégage l'homme, on lui
ouvre la grille : « Pourquoi faire? demande-t-il. Elle ne l'a pas fait
méchamment. » Et il reste dans la cage.

On ne sent pas l'heure, ici. On ne sait pas, sous cette clarté, s'il fait jour
ou nuit dehors. On ne sait pas s'ils s'en vont ou s'ils arrivent à leur travail,
ceux qui traversent la halle et escaladent les quais de planches. Des hommes,
beaucoup de femmes, pas mal d'enfants ; -des gens pressés, furtifs, qui sortent
fatigués, un paquet sous le bras, comme s'ils quittaient un dispensaire ; des
girls blondes, maquillées pour le music-hall qui les attend ; une jeune personne
en bottes égratignées de dompteuse ; des Chinois, des bébés figurants qui
bâillent sous le fichu tricoté ; deux petites filles actrices, habituées des
scènes parisiennes et du ciné. Celles-ci ont la froide assurance, le regard vif
et blasé, la réserve qui conviennent à leur carrière. Elles se reposent sur un
gazon de cartonnage, et le saut de la lionne énervée ne leur a pas arraché un
cri. Elles causent. La plus jeune, qui paraît huit ans, dit à l'aînée, dix à
douze ans :

-Oui, ma chère, cette fois-ci, ça y est, je suis engagée au théâtre X... c'est
signé de ce matin. Je suis assez contente, surtout de la manière dont ça s'est
fait. Tu penses, passer une audition comme ça, en coup de vent, sans rien de
préparé... Naturellement je savais un monologue et une fable, mais je les
savais, je ne les tenais pas, ça n'était pas fouillé... Oh! je m'en serais
sortie tout de même, quand il faut s'en sortir on s'en sort toujours. Mais je
n'étais pas trop à mon aise quand je suis arrivée chez le directeur. Ah! là
là... j'avais bien besoin de me faire tant de bile! Rien, ma chère, il ne m'a
rien demandé, pas une ligne : J'ai été engagée sur ma figure, ma chère, sur ma
figure!









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