PLUME DE POÉSIES
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 Guillaume Colletet (1598-1659) Ode.

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Inaya
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Inaya


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Guillaume Colletet (1598-1659) Ode. Empty
MessageSujet: Guillaume Colletet (1598-1659) Ode.   Guillaume Colletet (1598-1659) Ode. Icon_minitimeSam 23 Juin 2012 - 16:14

Ode.

Enfin tout rid dessus Parnasse,
Le ciel se mire dans ses eaux,
Ses lauriers devenus plus beaux
Reprennent leur premiere audace.
Les muses tarissant leurs pleurs,
S' ornent de gays chappeaux de fleurs,
Plus brillans que l' or, et la soye ;
Et leur front plein de majesté,
Montre autant de marques de joye,
Comme il a de traits de beauté.
Depuis long-temps ces neuf pucelles,
Loin de leurs antres les plus chers,
De leur source, et de leurs rochers,
Vivoient aux voutes eternelles.
Là pleines d' un juste couroux,
Elles se plaignoient à genoux
À la divinité supréme,
Des excés d' un monstre testu,
Qui s' empara du diadéme
Qui n' appartient qu' à la vertu.
Pere, c' est la seule ignorance,
Disoient-elles, qui nous détruit ;
Par elle nous perdons le bruit
Que nostre art nous acquit en France.
Un troupeau de foibles esprits,
De ses nouveaux charmes épris,
Affrontent les ames plus braves ;
Nostre sçavoir est odieux,
Et chacun nous traitte en esclaves,
Nous qui sommes filles des dieux.
Ce sont des idoles de fange,
Avortons plustost morts que nez,
Dont les desseins efféminez
Obscurcissent nostre loüange.
Nous pouvons comparer leurs vers
À ces flots gris, jaunes, et verds,
Dont le flus de la mer abonde ;
L' oeil croit que c' est asseurément
De l' ambre qui vogue sur l' onde,
Et ce n' est qu' un vil excrément.
Ce qu' ils font n' a rien que l' escorce,
Comme un colosse audacieux,
Qui d' une part charme les yeux,
Et de l' autre n' a point d' amorce ;
Le dehors plaist aux regardans,
Mais si l' oeil penetre au dedans,
Ce n' est que vent, ou que fascines.
Ainsi leurs vers le plus souvent
Ne sont que de vaines machines,
Qui pour ame n' ont que du vent.
L' un pensant faire quelque chose
Qui ravisse tout l' univers,
Nous donne de la prose en vers,
Sans connoistre ny vers, ny prose.
L' autre en sortant de son sujet,
N' a que certains mots pour objet,
Dont il fait des pointes frequentes ;
Ce sont champs de nulle valeur,
Qui parmy des ronces piquantes
Ne produisent pas une fleur.
Un autre esgaré dans les nuës,
Fuit les antiques fictions,
Et toutes ses inventions
Ne sont que chymeres cornuës ;
Il fait Mercure de tout bois,
Se servant de tous mots sans choix,
Par une eloquence barbare ;
Et s' élevant plus qu' il ne faut,
Il vole comme fit Icare,
Afin de tomber de plus haut.
Depuis la perte déplorable
De ce grand chantre vandomois,
Qui par sa lyre et par sa vois
S' acquit un renom perdurable ;
Deux ou trois esprits seulement
Agitez d' un feu vehément,
Ont rendu leur gloire parfaite ;
Mais le temps qui change nos moeurs,
Ne nous donne pas un poëte,
Et nous donne mille rimeurs.
Ainsi les muses affligées
Se plaignoient au plus grand des dieux,
Lors qu' un doux regard de ses yeux
Rendit leurs peines soulagées.
L' espoir dans leur ame glissa,
Et de leur visage effaça
La honte de leur servitude ;
Puis ce favorable propos
Dissipa leur inquietude,
Et mit leur esprit en repos.
Je serois, dit-il, impassible
Aux mouvemens de l' amitié,
Si je n' avois point de pitié
D' un malheur qui m' est si sensible ;
Mes filles, tarissez vos pleurs,
Et qu' à de si longues douleurs
Succede une joye eternelle.
Par un miracle signalé,
Vostre printemps se renouvelle,
Et vostre hyver s' est escoulé.
Que cette tresse délaissée,
Brille de mille nouveaux noeuds,
Puis que vos maux selon vos voeux
Ont rencontré leur panacée.
Allez, et retournez là bas
Joüir de vos premiers ébas ;
Les sçavans auront la victoire ;
Tout fera place à leur ardeur,
Ils feront éclatter leur gloire,
Et le bruit de vostre grandeur.
Vous n' aurez plus sujet de craindre,
Mais plustost de tout esperer ;
Où vous les verrez aspirer,
Vous les y pourrez faire atteindre.
Desportes dedans sa douceur,
Ne sera plus sans successeur ;
Et Ronsard, dont le grand courage
Parut dans ses vers éclatans,
N' aura plus sur eux d' avantage,
Si ce n' est dans l' ordre du temps.
Desormais vous verrez qu' Auguste,
Que les Charles, et les Henris ;
Quoy qu' ils fussent vos favoris,
Cederont à Louis Le Juste.
Sur les aisles des doctes vers
Son nom verra tout l' univers,
Comme l' astre qui vous esclaire ;
Et quiconque sera doüé
D' un coeur qui se porte à bien faire,
Se verra dignement loüé.
À ce mot Jupiter les baise,
Et les comble d' honneurs divers ;
Puis elles traversent les airs
D' un esprit tout transporté d' aise.
Ces belles nymphes se suivant
Laissent flotter au gré du vent
Leur chevelure vagabonde ;
Et leurs corps purs, et radieux,
Semblent par un prodige au monde
Neuf soleils qui tombent des cieux.
Par tout où cette bande passe
Le soleil dore sa clarté,
Zephyre souffle à leur costé,
Devant elles marche la grace.
Pour elles tous les elemens
Ressentent de gays mouvemens ;
Une flâme les environne,
Tout bruit d' un air doux et flatteur ;
Les vives fleurs de leur couronne
Distilent des eaux de senteur.
Apres les routes infinies
Qui tracent le chemin des cieux,
Elles retournent en ces lieux,
D' où leur sort les avoit bannies.
Quel plaisir la France conceut
Alors que son sein les receut !
Quoy que la fable nous raconte,
Venus entrant avec orgueil
Ou dans Cypre, ou dans Amathonte,
N' y receut jamais tant d' accueil.
À cét avénement des muses,
Une trouppe de beaux esprits,
D' une ardente fureur épris
Monstrent leurs sciences infuses ;
L' un conte avec quelle vertu
Il a ce fier monstre abbatu,
Et leur en offre la despoüille ;
Donc le tronc encor tout fumeux,
Marque avec le sang qui le soüille
Le jour d' un combat si fameux.
L' autre d' un art incomparable
Esleve un arc audacieux,
Qui de la terre jusque aux cieux
Porte un triomphe memorable.
Là dans une lame d' airain
Est gravé ce bras souverain
Qui dompta l' hydre paricide
D' une rebelle faction ;
Et fit en effect ce qu' Alcide
Ne fit jamais qu' en fiction.
Un autre que l' amour inspire
À parler de plus doux combas,
Celebre d' un accent plus bas
Celle pour qui son coeur souspire ;
Il confond les pleurs et les ris,
Les faveurs avec les mépris,
Les glaçons avecque la flâme ;
Tantost il vante sa beauté,
Et puis il accuse en son ame
Les excés de sa cruauté.
Quelqu' autre chante la loüange,
Et les conquestes de Bacchus,
Par qui jadis furent vaincus
Ceux qui boivent les eaux du Gange,
Ses sacrifices immortels,
Ses mysteres, et ses autels,
Dont toute la terre fut pleine,
Aussi tost qu' un peuple grossier
Sentit qu' avec des pieds de laine,
Ce dieu porte une main d' acier.
Mais que d' agreables merveilles
Toucherent ces neuf doctes soeurs,
Pager, alors que tes douceurs
Parvindrent jusqu' à leurs oreilles !
Voyant que tes vers ravissans.
Esgallement doux et puissans,
Triomphoient en toute matiere,
Elles approuverent ton art ;
Et tu receus la gloire entiere,
Dont tout autre n' eut qu' une part.
Soit que ta voix toute divine
Se joigne aux antiques chansons,
La force de tes nouveaux sons
Estonne la rive latine ;
Au mépris de tous les dangers,
Tu vas ravir aux estrangers
La palme dont on les renomme ;
Et tu fais voir à ces esprits,
Qu' on trouve moins Rome dans Rome,
Qu' on ne la trouve en tes escrits.
Soit que d' un style magnifique
Et d' un air purement françois,
Tu chantes la gloire des roys,
Il n' est rien de plus heroïque.
Là nostre monarque reluit,
Comme le flambeau de la nuit
Esclate au travers de l' ombrage ;
Et le ciel enfin ta permis
De nous donner dans cét ouvrage
Ce que tant d' autres ont promis.
Soit que d' une plume usitée
À tracer mille raretez,
Tu nous dépeignes les beautez ;
De Bellinde, ou de Pasithée,
Je sens jusques au fond du coeur.
Les effects de ce traict vainqueur,
De qui la puissance se touche ;
Et tu fais douter en tout lieu,
Si l' amour parle par ta bouche,
Ou toy par celle de ce dieu.
Aussi considerant la grace
Dont tu releves tes discours,
Nous desesperons tous les jours
De te pouvoir suivre à la trace ;
Ton esprit, et ton jugement
N' agissent pas humainement
Dans tout ce que ton soin nous donne ;
Et je puis dire en verité,
Comme tu n' imites personne,
Que tu ne peux estre imité.
Poursuivy donc cette carriere,
Qui pour accroistre ton bon-heur,
Te meine au temple de l' honneur,
D' où la vertu prend sa lumiere.
Prépare de nouveaux lauriers,
Pour couvrir le front des guerriers
Qui combattent pour nostre prince ;
Et dans ce genereux dessein,
Fay tant que le loir et le mince,
Cedent le prix aux eaux du Clain.
Qu' un autre le ciel importune
De souhaits avaricieux ;
Les biens d' Appollon valent mieux
Que les presens de la fortune,
Qu' un vain espoir de t' agrandir
Ne vienne jamais refroidir
L' ardeur dont ton ame est saisie ;
Le moindre de tous les efforts
Dont tu renverses l' heresie,
Vaut des sceptres, et des thresors.
Foule aux pieds les traits de l' envie,
Si quelqu' un vole jusqu' à toy ;
Et t' affranchissant de sa loy,
Coule en paix les jours de ta vie.
Et si quelque frelon de cour
Te vouloit piquer à son tour.
Que ton ame ne s' en irrite ;
Ne pouvant t' atteindre qu' à faux,
Il fera mieux voir ton merite,
Et descouvrira ses defauts.
Pager, dans l' ardeur qui m' allume,
Et qui m' invite à celebrer
Tes vertus qu' on ne peut nombrer,
Reçoy ces lignes de ma plume.
Si tu les joins avec tes vers,
Je suis certain que l' univers
En conservera la memoire.
Mon bruit en croistra de moitié ;
J' auray part aux fruicts de ta gloire,
Comme à ceux de ton amitié.
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Guillaume Colletet (1598-1659) Ode.
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