Évocation
Lorsque le soir s'abat sur ton sourcil géant
Et que, plus fantastique, au bord du flot béant
Québec, ta grande ombre se penche,
Comme portée au vol de vents magiciens,
Vers toi furtivement l'âme des jours anciens
Accourt, mystérieuse et blanche.
Le jour est aux vivants, à ces fils nés d'hier
Et que demain appelle, et qui de leur pas fier
Foulent tes places et tes rues;
Mais le passé frissonne et flotte dans la nuit;
Et tu t'émeus à voir, dans ses ombres, sans bruit
Glisser les gloires disparues.
Ils sont là tous, tous les héros, tous les vainqueurs,
Tous les vaincus, tous les martyrs, tous les grands coeurs,
Marins, femmes, soldats ou prêtres;
Et dans tes murs ayant leur cendre pour ciment
Ils refont chaque nuit mélancoliquement
La procession des ancêtres.
Car il faut que leur nom aille aux siècles lointains;
Car il faut que leur race achève les destins
Dont ils la laissèrent gardienne:
Ô Québec! si leur vision hante tes soirs,
C'est pour hausser ton âme et grandir tes espoirs,
C'est pour que Québec se souvienne.