LES GENS DE LETTRES
I
Il était une fois un roi et une reine, qui étaient bien fâchés de ne pas avoir d'enfants.
Le roi, qui s'appelait Sa Majesté O, disait à la reine, qui s'appelait Sa Majesté É :
- Le ciel n'a pas béni notre union, il faut consulter votre marraine, la fée Araignée.
Le roi O avait un gros ventre. Quand il tapait dessus, ça faisait toc, toc. La reine E n'avait pas du tout de ventre, elle
était sèche, comme un hareng saur. Et les enfants ne venaient pas.
On télégraphia à la fée Araignée, qui arriva par la cheminée avec trois gros choux qu'elle mit tout de suite dans une
marmite et du bon lard, et du sel, et du poivre... Et puis elle trempa une grande soupe (il y en avait bien pour cent
personnes) et la donna à manger à la reine É. La soupe aux choux faite par une fée, est fée aussi. Voilà pourquoi le
reine É, si sèche d'abord, enfla, enfla, enfla. Et le lendemain matin on trouva, dans trois berceaux, le premier garni de
satin groseille, le second garni de satin bouton d'or et le troisième garni de satin couleur du ciel sans nuages, trois
petites princesses, qui étaient plus belles que les étoiles, que le soleil et que la lune.
La fée Araignée, qui était de la célèbre famille Aiou, si connue dans l'industrie des tissus, coupa son nom en trois et
appela sa première filleule A, sa seconde I et sa troisième OU.