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  Alfred De Musset (1810-1857) Alfred De Musset (1810-1857) Scène VII.

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 Alfred De Musset (1810-1857)  Alfred De Musset (1810-1857) Scène VII. Empty
MessageSujet: Alfred De Musset (1810-1857) Alfred De Musset (1810-1857) Scène VII.    Alfred De Musset (1810-1857)  Alfred De Musset (1810-1857) Scène VII. Icon_minitimeMer 22 Aoû - 19:01

Alfred De Musset (1810-1857) Scène VII.

Une rue au bord de la mer. - Rafael descend le long d'un treillis; Annibal passe
dans le fond.
Rafael
Peste soit des barreaux! Hé, rendez-moi ma veste,
Mon camarade! Où donc vous sauvez-vous si preste?
Eh bien! et vos amours, - que font-ils?
L'Abbé
Le voilà!
Rafael
On me poursuit, mon cher. - Je vous dirai cela;
Mais rendez-moi l'habit.
L'Abbé
On crie. - On vous appelle!
Têtebleu! qu'est-ce donc?
Rafael
Bon! une bagatelle.
Je crois que j'ai tué quelqu'un là-bas.
L'Abbé
Vraiment!
Rafael
Je vous dirai cela; mais l'habit seulement.
L'Abbé
L'habit? non de par Dieu! Je ne veux pas du vôtre.
Les sergents me prendraient pour vous.
Rafael
Le bon apôtre!
(Plusieurs gens traversent le théâtre.)
Attendez. - Donnez-moi ce manteau. - Bon. - Je vais
Dire à ces gredins-là deux petits mots.
L'Abbé
Jamais
Je n'oserai tuer cet homme. (Il s'assoit sur une pierre.)
Le sergent
Holà! je cherche
Le seigneur Rafael.
Rafael
A moins qu'il ne se perche
Sur quelque cheminée en manière d'oiseau,
Qu'il n'entre dans la terre, ou qu'il ne saute à l'eau;
Vous l'aurez à coup sûr. Le connaissez-vous?
Le sergent
Certe,
J'ai son signalement. - C'est une plume verte
Avec des bas orange.
Rafael
En vérité! - Parbleu!
Vous n'aurez point de peine, et vous jouez beau jeu.
Combien vous donne-t-on?
Le sergent
Hai...
Rafael
Trouvez-vous qu'en somme
Votre prévôt vous ait assez payé votre homme?
Le bon sire est-il doux ou dur sur les écus?
Le sergent
Mais, il n'en mourrait pas pour donner un peu plus.
Mais je n'y pense pas. - Le ventre à la besogne,
Et non le dos. - Mieux vaut la hart que la vergogne,
Et puis, l'homme pendu, nous avons le pourpoint.
Rafael
Sans compter les revers, s'il met l'épée au poing.
Le sergent
J'ai de bons pistolets.
Rafael
Voyons. - Et puis?
Le sergent
Ma canne
De sergent.
Rafael
Bon. - Et puis?
Le sergent
Ce poignard de Toscane.
Rafael
Très excellent. - Et puis?
Le sergent
J'ai cette épée.
Rafael.
Et puis?
Le sergent
Et puis! je n'ai plus rien.
Rafael, le rossant.
Tiens, voilà pour tes cris,
Et pour tes pistolets.
Le sergent
Aïe! aïe!
Rafael
Et pour ta canne,
Et pour ton fin poignard en acier de Toscane.
Le sergent
Aïe! aïe! je suis mort!
Rafael
Le seigneur Garuci
Est sans doute au logis. - On y va par ici.
(Il le chasse.)
C'est du don Juan, ceci. (Revenant.)
Que dis-tu du bonhomme,
Sauvons-nous maintenant. - Moi, je retourne à Rome.
(L'abbé va à lui, et lui met son poignard dans la gorge.)
Etes-vous fou, l'abbé? - L'abbé?
(Il tombe.)
Je n'y suis pas.
Ah! malédiction! Mais tu me le paieras.
(Il veut se relever.)
Mon coup de grâce, abbé! Je suffoque! Ah! misère!
Mon coup, mon dernier coup, mon cher abbé. La terre
Se roule autour de moi! - miserere! - Le ciel
Tourne. Ah, chien d'abbé, va! par le Père éternel!...
Qu'attends-tu donc là, toi, fantôme, qui demeures
Avec ces yeux ouverts?
L'Abbé
Moi? J'attends que tu meures.
Rafael
Damnation! Tu vas me laisser là crever
Comme un païen, gredin, et ne pas m'achever!

Je ne te ferai rien; viens m'achever. - Un verre
D'eau pour l'amour de Dieu! - Tu diras à ma mère
Que je donne mes biens à mon bouffon Pippo.
(Il meurt.)
L'Abbé
Va, ta mort est ma vie, insensé! - Ton tombeau
Est le lit nuptial où va ma fiancée
S'étendre sous le dais de cette nuit glacée!
Maintenant le hibou tourne autour des falots.
L'esturgeon monstrueux soulève de son dos
Le manteau bleu des mers, et regarde en silence
Passer l'astre des nuits sur leur miroir immense.
La sorcière, accroupie et murmurant tout bas
Des paroles de sang, lave pour les sabbats
La jeune fille nue; Hécate aux trois visages
Froisse sa robe blanche aux joncs des marécages;
Ecoutez. - L'heure sonne! et par elle est compté
Chaque pas que le temps fait vers l'éternité.
Va dormir dans la mer, cendre; et que ta mémoire
S'enfonce avec ta vie au coeur de cette eau noire;
(Il jette le cadavre dans la mer.)
Vous, nuages, crevez! essuyez ce chemin!
Que le pied, sans glisser, puisse y passer demain.
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