LE PETIT MENDIANT.
Un petit pauvre suivait avec obstination un vieillard dans sa promenade,
et criait:
-Monsieur! ce n'est point pour moi, monsieur! c'est pour ma pauvre
mère. Ah! ma pauvre mère! si j'avais de quoi lui acheter un pain.
Le vieillard, ému de cette vive prière pour une mère, et de cette voix
d'enfant qui a toujours une grande puissance sur l'homme, s'arrêta,
parcourut des yeux la figure rose et (il faut le dire) un peu effrontée
du jeune mendiant, qui plongeait avec des yeux avides et brillants
jusqu'au fond de la bourse prête à s'ouvrir pour lui.
-Tu l'aimes donc bien ta mère?
-Oui, monsieur! dit l'enfant, en jetant les yeux çà et là d'un air
distrait et insouciant.
-Où est-elle?
Elle est morte, monsieur, répondit le menteur, qui n'avait pas prévu la
question.
-Elle n'a donc pas besoin de pain, dit le vieillard en refermant sa
bourse, et laissant rouge et honteux l'imposteur, à qui la vérité simple
eût été bien plus profitable?
Le mensonge est odieux. Il est toujours nuisible à celui qui
s'abaisse par lui.