LE BON ANGE.
Laissez venir à moi les petits enfants.
Un homme s'approcha tout à coup dans l'ombre. Antony se leva.
-N'ayez pas peur, mon petit ami, dit cet homme.-Je n'ai pas peur,
répondit l'enfant; quel mal voudriez-vous me faire?
-Aucun, si vous me dites la vérité: Qui êtes-vous?
-Je suis un enfant perdu.
-D'où venez-vous?
-De Paris, où je suis né. Je n'ai pas d'argent, je ne connais pas cette
ville où l'on m'a laissé seul pour me punir.
-De quoi?
-De sonner aux portes avec mes amis.
-Leurs noms?
-Je ne les dirai pas.
-Le vôtre?
-Antony Derbay; mais mon père sera-t-il inquiété pour ma faute?
-Soyez tranquille, mon enfant, dit l'homme attendri, regardez-moi
comme votre bon ange, et suivez-moi.... quand je saurai votre demeure,
toutefois, car je suis résolu à vous rendre ce soir même à vos parens.»
Quoi, monsieur, vous feriez ce voyage! s'écria Antony, plein de
reconnaissance. Il lui dit alors le nom de son père, sa demeure à Paris
et se laissa conduire soumis par ce guide si différent de ceux qui
l'avaient emporté du pays natal.
Après quelques détours qui ne lui semblaient que les commencements
d'un voyage pénibles, l'homme qui l'avait doucement enveloppé dans son
manteau s'arrêta en disant: Nous y sommes.
-Où donc, s'écria d'une voix craintive Antony, sans se reconnaître
encore, et croyant rêver.
-Chez votre père, dont voici la maison. Et il frappa de manière à ce
qu'on ne tarda pas à leur ouvrir.
Quelles furent la surprise, la joie et les transports d'Antony, en se
retrouvant à sa porte comme par enchantement! quand il tomba dans les
bras de sa mère inquiète depuis deux heures de ne pas le voir rentrer!
Quand il la couvrit de ses larmes en lui racontant sa faute, qu'il lui
montra son sauveur, qu'il prenait alors pour Jésus-Christ lui-même; car
il avait fait un miracle!
-Oh! qui donc êtes-vous, monsieur? dit la mère, en se penchant vers
l'étranger pour le bénir.
-Le rentier, madame, qui se trouvera bien heureux, s'il a corrigé
l'enfant et consolé la mère.
Je dois vous avouer qu'Antony sanglota de repentir dans les bras du bon
rentier, et qu'en essuyant ses yeux rouges, il s'écria tout à coup:
-Je te rendrai ton pied de biche!»
-Non, dit en souriant le rentier qui devint le meilleur ami d'Antony;
je vous le donne comme un talisman pour entrer à toute heure dans ma
maison.
L'objet qui nous rappelle une faute pleurée nous empêche d'y
retomber.