ELEGIES UNE AME
de Jean Paul Richter
d' une pauvre âme en cheveux blancs
qui s' épure ensemble et s' altère,
pourquoi venez-vous, ô mon frère !
épier les rayons tremblants
d' une pauvre âme en cheveux blancs ?
Tant de jours ont chassé le jour
où la vôtre s' en est allée,
laissant sa jeune soeur voilée
se dévouer seule à l' amour :
tant de jours ont chassé ce jour !
N' est-ce pas apprendre bien tôt
que l' amour n' est pas de la terre ?
Un jour, la tendre solitaire
devina qu' il était plus haut :
n' est-ce pas l' apprendre bien tôt ?
Il est plus haut ! Vous y viendrez,
puisqu' enfin vous m' avez cherchée ;
et moi, pour m' être ainsi cachée,
belle un jour vous me reverrez.
Plus tard, bien tard, vous y viendrez !
Mais fuyez ce sentier de feu
couvert d' une si triste cendre ;
nous ne pouvons plus redescendre.
Le temps vole : attendez un peu !
Mais fuyez ce sentier de feu.
Si l' ange de la charité
s' émeut à ma double prière,
vous monterez à sa lumière
en quittant ce monde agité :
tout s' unit dans la charité !
Moi, sans frayeur ; vous... toi, sans fiel !
Dieu sera dans notre présence,
comme à ce beau temps d' innocence
où nos regards étaient le ciel,