POESIES POSTH. LA VOIX PERDUE
ma fille Inès.
La Jeune Fille.
Ma mère, entendez-vous, quand la lune est levée,
l' oiseau qui la salue en veillant sa couvée ?
Ne fait-il pas rêver les arbres endormis ?
Pourquoi chante-t-il seul ! Il n' a donc pas d' amis ?
La Mère.
Il en a ! Des bannis il soulage la route ;
dans tous ces nids couchés on le bénit sans doute.
Il parle à quelque mère humble et pareille à moi,
à quelque enfant sauvage et charmant comme toi.
La Jeune Fille.
Que je l' aime ! Avec nous que je voudrais le
prendre !
Tout ce qu' il chante à Dieu que je voudrais
l' apprendre !
Lui, s' il voulait venir, heureux dans notre amour,
nous lui ferions aimer le monde et le grand jour.
La Mère.
Il mourrait. Son destin est d' être solitaire,
de jeter ses sanglots, libre, entre ciel et terre ;
d' attacher sa compagne, humble et pareille à moi,
à son doux nid sauvage et charmant comme toi.
On a dit qu' autrefois, au sein d' une famille,
il vécut sous un front brûlant de jeune fille.
Cet être harmonieux aimait l' ombre et les fleurs ;
nul ne pouvait l' entendre et retenir ses pleurs.
Rossignol, il chantait aux errantes étoiles ;
jeune fille, il pleurait, dérobé sous ses voiles.
La Jeune Fille.
Et la mère ?
La Mère.
était tendre et fière autant que moi
de son enfant sauvage et charmant comme toi.
La Jeune Fille.
Après ? ...
La Mère.
De ce front pâle où frissonnaient ses ailes,
l' oiseau voulait sortir et s' envoler par elles.
Un jour, forçant le voile où gémissait sa voix,
il emporta le timbre et s' enfuit dans les bois.
La Jeune Fille.
Après ? ...
La Mère.
L' enfant rêveur n' aima plus qu' en silence,
cherchant toujours le saule où l' oiseau se balance.
La Jeune Fille.
Et la mère ?
La Mère.
Suivit, tendre et pareille à moi,
son doux enfant muet et charmant comme toi.