ELEGIES ELEGIE JE M'IGNORAIS
Je m' ignorais encor, je n' avais pas aimé.
L' amour ! Si ce n' est toi, qui pouvait me l' apprendre ?
À quinze ans, j' entrevis un enfant désarmé ;
Il me parut plus folâtre que tendre :
D' un trait sans force il effleura mon coeur ;
Il fut léger comme un riant mensonge ;
Il offrait le plaisir, sans parler de bonheur ;
Il s' envola. Je ne perdis qu' un songe.
Je l' ai vu dans tes yeux cet invincible amour,
Dont le premier regard trouble, saisit, enflamme,
Qui commande à nos sens, qui s' attache à notre âme
Et qui l' asservit sans retour.
Cette félicité suprême,
Cet entier oubli de soi-même,
Ce besoin d' aimer pour aimer,
Et que le mot amour semble à peine exprimer,
Ton coeur seul le renferme, et le mien le devine ;
Je sens à tes transports, à ma fidélité,
Qu' il veut dire à la fois, bonheur, éternité,
Et que sa puissance est divine.