ELEGIES LE PRESAGE
Oui, je vais le revoir, je le sens, j' en suis sûre !
Mon front brûle et rougit, un charme est dans mes pleurs.
Je veux parler, j' écoute et j' attends... doux augure !
L' air est chargé d' espoir... il revient... je le jure,
Car le frisson qu' il donne a fait fuir mes couleurs.
Un songe en s' envolant l' a prédit. L' heure même
A pris une autre voix pour m' annoncer le jour ;
Et ce ramier dans l' air, ce présage que j' aime,
Me ferait-il trembler s' il venait sans l' amour ?
De ce tribut toujours je payai sa présence.
L' amour, dans sa pitié, me prépare au bonheur :
Je n' ai plus froid de son absence ;
Tient-il déjà mon coeur enfermé dans son coeur !
Et ce livre qui parle ! ... ah ! Ne sais-je plus lire ?
Tous les mots confondus disent ensemble : " il vient ! "
Comme un enfant, je pleure et je me sens sourire :
C' est ainsi qu' on espère, amour, il m' en souvient !
Mais prends garde à ma vie, un instant fais-moi grâce !
La lumière est trop vive en sortant de la nuit ;
Laisse-moi rêver sur sa trace ;
Arrête le temps et le bruit.
Saule ému, taisez-vous ! Ruisseau, daignez vous taire !
Écoutez, calmez-vous, il ne tardera pas ;
J' ai senti palpiter la terre,
Comme au temps où mes pas me portaient sur ses pas.
Me voici sur la route, et j' ai fui la fenêtre ;
Trop de fleurs l' ombrageaient... quoi ! C' est encor l' été !
Quoi ! Les champs sont en fleurs ? Le monde est habité !
Hier, c' est donc lui seul qui manquait à mon être ?
Hier, pas un rayon n' éclairait mon ennui :
Dieu ! ... l' été, la lumière et le ciel, c' est donc lui !
Oui, ma vie ! Oui, tout rit à deux âmes fidèles.
Tu viens : l' été, l' amour, le ciel, tout est à moi !
Et je sens qu' il m' éclôt des ailes
Pour m' élancer vers toi !