Naouitha
Naouitha songeait sur un lit de feuilles;
Ô printemps divin! tout ce que tu cueilles
Et mets dans les nids,
Odeurs des sapins ou senteurs du saule,
Tu le répandais sur sa chaste épaule
Au reflet bruni.
L'enfant des forêts songeait; autour d'elle
Les arbres laissaient passer des vols d'aile
Dans l'air tiède et doux,
Et la source claire, aux eaux caressantes,
Se glissant parmi les touffes naissantes,
Frôlait ses genoux.
Elle avait couru dès l'aube, enivrée
Du parfum des fleurs poussant à l'orée
Du bois reverdi,
Livrant ses cheveux au vent des clairières
Et son corps menu, grisé de lumières,
Aux feux du midi.
Le long des chemins balisés d'érables,
Près des lacs mirant ses traits adorables
Aux bords des halliers,
Elle avait semé sa joie enfantine
Et les rameaux lourds de blanche aubépine
Muaient à ses pieds.
Naouitha songeait et prêtait l'oreille
Aux bruits que faisait la forêt pareille
Aux grands flots errants,
Aux bruits qui tombaient des branches hautaines,
Aux bruits des ravins, aux bruits des fontaines,
Aux bruits des torrents.
Bruits aériens des cimes fleuries,
Bruits inapaisés des feuilles meurtries
Et des ruisselets,
Bruits que fait l'abeille aux ailes ambrées
Et que font parfois les vagues moirées
Parmi les galets.
Aucun d'eux pourtant de sa rêverie
N'avait pu tirer la fille chérie
Des pins et des eaux,
La fille déjà d'ombre enveloppée
Et qui s'évadait de la mélopée
Montant des roseaux.
Ce qu'elle espérait, l'oreille aux écoutes,
C'était de saisir, au delà des routes,
Parmi la clameur
Que de lac en lac et de chute en chute
L'écho multiplie et qu'il répercute
Dans le soir qui meurt,
La voix de l'amant revenant des chasses
Quand avril, paré de toutes ses grâces,
Prélude aux lilas,
De l'amant qui n'eût dans les nuits polaires
Que l'éclat discret des perles stellaires