Les pins
Ô pins! qui versez l'ombre au sein des forêts vierges
Et qui dressez vos fûts superbes dans les airs,
La terre est un autel dont vous êtes les cierges,
Ô pins! qui la nimbez de vos grands rameaux verts.
Quand le soir hiémal s'allonge sur la cime
Des bois découronnés par le vent émondeur,
Vous gardez, si le gel les rouille ou les décime,
Sur vos robustes bras l'éternelle splendeur.
Que novembre s'embrume ou qu'avril étincelle,
L'air s'imprègne de vos aromes infinis;
Vous jetez les senteurs que votre ombre recèle,
L'hiver, aux arbres morts, et l'été, dans les nids.
Quand la pâle clarté du jour qui se dérobe
Estompe à l'horizon vos troncs audacieux
Il semble que du pied vous écrasez le globe
Et que de votre front vous étayez les cieux.
Et pourtant, pins rêveurs, de gigantesque taille,
Vous dominez en vain les éléments troublés,
Le fer du bûcheron vous frappe et vous entaille,
Et vous abat ainsi qu'un moissonneur, les blés;
Car votre majesté n'est pas même épargnée
Par ces déboisements sacrilèges qui font
Tomber sous le tranchant aigu de la cognée
Le chêne au coeur d'airain, et l'orme au flanc profond.