FORTUNES. (1934)
Apparition.
Né de la boue, jailli au ciel, plus flottant qu’un nuage, plus dur que le
marbre,
Né de la joie, jailli du sommeil, plus flottant qu’une épave, plus dur qu’un
coeur,
Né de son coeur, jailli du ciel, plus flottant que le sommeil, plus dur que le
ciel,
Né, jailli, flottant plus dur et plus ciel, et plus coeur et plus marbre,
Et plus de sommeil et plus de nuage et plus d’épave, et tant et plus,
Mais du sommeil flottant au coeur des marbres dispersés comme des épaves,
Au long du ciel d’un pauvre paysage jaillissant et flottant comme un coeur...
Et saignant, oh saignant, saignant tellement
Que tant de marbres, abandonnés, alignés, dressés comme jaillis,
Finiront bien par flotter comme des épaves.
Mais il ne s’agit plus de flotter, ni de jaillir, ni de durcir,
Mais, de toute boue,
Faire un ciment, un marbre, un ciel, un nuage et une joie et une épave
Et un coeur, cela va de soi, et tout ce qui est dit plus haut
Et un sommeil, un beau sommeil, un bon sommeil,
Un bon sommeil de boue
Né du café et de la nuit et du charbon et de l’encre et du crêpe des veuves
Et de cent millions de nègres
Et de l’étreinte de deux nègres dans une ombre de sapins
Et de l’ébène et des multitudes de corbeaux sur les carnages...
Tel qu’enfin s’épanouisse, recouvrant l’univers,
Un bouquet, un immense bouquet de roses rouges.