PLUME DE POÉSIES
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 CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION.

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James
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MessageSujet: CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION.   CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION. - Page 3 Icon_minitimeSam 17 Nov - 1:41

Rappel du premier message :

Le rondel de la page 245 ( Je suis desja d'amour tanné ), adressé
comme le précédent à la doulce Valentine , doit être du même
auteur, René, roi de Sicile, auquel nous attribuerons aussi le rondel de
la page 248 ( Se vous estiez comme moy ).

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CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION. - Page 3 Une_pa12CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION. - Page 3 Plumes19CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION. - Page 3 Miniat14CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION. - Page 3 James_12CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION. - Page 3 Confes12

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MessageSujet: Re: CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION.   CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION. - Page 3 Icon_minitimeSam 17 Nov - 1:47


[Note 62: Tableau de la littérature au moyen âge , par M.
Villemain, t. II, p. 228 et 234.]

Le suc poétique, si je puis dire ainsi, exprimé par Charles d'Orléans,
a été soigneusement recueilli par Villon et par Marot; le premier y
a déposé sa franchise quelque peu cynique, et le second sa verve
étincelante, son vers correct et les traditions des littératures
grecques, et et latines qui renaissaient. Ces trois éléments combinés
dominent toute la poésie du seizième siècle. Ainsi pour apprécier, sous
tous ses aspects, le livre de Charles d'Orléans, il faudrait analyser
ces trois individualités et montrer l'effet qu'elles durent produire
confondues. Nous laissons ces questions de haute critique à une main
plus habile; d'ailleurs nous avons dû renfermer cette notice dans
les bornes restreintes et modestes d'une biographie littéraire; nous
n'ajouterons plus qu'un mot. De graves historiens ont prétendu que le
duc d'Orléans, prince du sang royal de France, était resté au dessous
de sa mission; ils lui ont fait un crime d'avoir soutenu mollement le
drapeau de la révolte et de la guerre civile, et ils lui reprochent
ses vers, en quelque sorte, comme des lâchetés. Voilà, en vérité, de
singulières accusations. Eh bien, sauf le respect que nous devons à ces
historiens, je crois que si au lieu d'assassiner leurs parents, d'avilir
une monarchie qu'ils devaient protéger, délivrer leur pays aux Anglais,
Jean sans Peur, le comte de Saint-Pol et le connétable d'Armagnac
avaient employé leur loisir à rimer des ballades dans leur château, je
crois, dis-je, que nos pères de ce temps-là en eussent ressenti
quelques bons effets. Historiens, rassure-vous, les chefs politiques ne
manqueront jamais à vos récits; mais des poètes comme Charles d'Orléans,
on n'en trouve qu'un dans une littérature; ainsi, pardonnez-lui ses
poésies.

J. MARIE GUICHARD.


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NOMMÉS EN TÊTE DE QUELQUES-UNES
DES POÉSIES CONTENUES DANS CE VOLUME.
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MessageSujet: Re: CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION.   CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION. - Page 3 Icon_minitimeSam 17 Nov - 1:47

ALBRET (le cadet d'), 352, 356.
ALENÇON (Jean II, duc d'), 271.
BENOIT d'Amiens, 358, 359, 371, 390, 397, 418.
BLOSSEVILLE (le vicomte de), 385.
BOUCICAUT, 339, 340.
BOULAINVILLIERS (Philippe de), 209,353.
BOURBON (Jean II, duc de), 235, 303, 309, 310, 334, 354, 383, 386, 391,
425.
BOURGOGNE (Philippe-le-Bon, duc de), 152, 154.
CADET (le), voy. Albret.
CADIER (Guillaume), 424.
CAILLAU (Jean), 104, 136,278, 312, 380, 381.
CAILLAU (Simonnet), 138, 341, 370, 395, 413.
CHEVALIER (Pierre), 167.
CLERMONT (compte de), voy. Bourbon.
CUISE (Antoine de), 408, 409.
DALEBRET, voy. Albret.
FARET, 371.
FRAIGNE, 238,389, 405, 406.
FREDET, 169, 176, 251, 279, 322, 325, 335, 341, 350.
GARENCIÈRES (Jean de Montenay, sire de), 142.
GEORGE, 337.
GILLES, 349.
GOUT (Étienne le), 269.
LORRAINE (Jean, duc de), 342, 344,345, 346, 372, 415, 416.
LUSSAY (Antoine de), 348.
MARCHE (Olivier de la), 336.
MONTBRETON, 133.
NEVERS (Charles de Bourgogne, comte de), 243, 319.
ORLÉANS (Charles, duc d'), 103, 120,
121, 123, 141, 151, 153, 155, 158, 159,
166, 173, 234, 243, 244, 246, 248--250,
252, 260, 269, 271, 280, 311, 313,
320, 323, 334, 335, 336, 340--342,
346, 347, 350--352, 354--358, 360--368,
370, 372--389, 391--395, 397--405,
407, 409. 412--414, 417, 420, 423.
ORLÉANS (Marie de Clèves, duchesse d'), 321, 347.
OURMES (Gilles des), 137, 210, 349, 353, 396, 414.
POT (Guiet), 348, 349.
POT (Philippe), 348.
ROBERTET, 133, 424.
SECILE (René d'Anjou, roi de), 245, 248, 249, 250.
SÉNÉCHAL (le grand), 384, 405.
TIGNONVILLE, 360, 396.
TORSY (le seigneur de), 333.
TREMOILLE (Jacques, bâtard de la), 110, 351.
VAILLANT, 102, 337, 338.
VILLECRESME (Berthaud de), 135, 168, 387, 390.
VILLON (François), 130.
VOYS (Hugues le), 397, 400, 401.


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MessageSujet: Re: CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION.   CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION. - Page 3 Icon_minitimeSam 17 Nov - 1:48

POÉSIES DE CHARLES D'ORLÉANS
DE JEHAN DE LORRAINE, DE GILLES DES OURMES,
DU COMTE DE CLERMONT, DE SIMONNET ET DE JEHAN CAILLAU,
DE BERTHAULT DE VILLEBRESME, DE FREDET, ETC.

Au temps passé quant Nature me fist
En ce monde venir, elle me mist
Premierement tout en la gouvernance
D'une Dame qu'on appeloit Enfance;
En lui faisant estroit commandement
De me nourrir, et garder tendrement,
Sans point souffrir soing ou merencolie,
Aucunement me tenir compaignie;
Dont elle fist loyaument son devoir;
Remercier l'en doy pour dire voir.

En cest estat, par ung temps me nourry,
Et apres ce, quant je fu enforcy,
Ung messaigier qui Aage s'appella,
Une lectre de creance bailla
A Enfance, de par Dame Nature,
Et si lui dist que plus la nourriture
De moy n'auroit, et que Dame Jeunesse
Me nourriroit, et seroit ma maistresse;
Ainsi du tout Enfance delaissay,
Et avecques Jeunesse m'en alay.

Quant Jeunesse me tint en sa maison,
Ung peu avant la nouvelle saison,
En ma chambre s'en vint ung bien matin,
Et m'esveilla le jour saint Valentin,
En me disant: Tu dors trop longuement,
Esveille toy, et aprestes briefment,
Car je te vueil avecques moy mener
Vers ung seigneur dont te fault acointer,
Lequel me tient sa servante tres chiere;
Il nous fera, sans faillir, bonne chiere.

Je respondy: Maistresse gracieuse,
De lye cueur et voulenté joyeuse,
Vostre vouloir suy content d'acomplir;
Mais humblement je vous vueil requerir
Qu'il vous plaise le nom de moy nommer
De ce seigneur dont je vous oy parler,
Car s'ainsi est que sienne vous tenez,
Sien estre vueil, se le me commandez;
Et en tous faiz vous savez que desire
Vous ensuir, sans en riens contredire.

Puis qu'ainsy est, dist elle, mon enfant,
Que de savoir son nom desirez tant,
Saichiez de vray que c'est le Dieu d'amours
Que j'ay servy, et serviray tousjours,
Car de pieca suy de sa retenue,
Et de ses gens, et de lui bien congneue,
Oncques ne vis maison, jour de ta vie,
De plaisans gens si largement remplie;
Je te feray avoir d'eulx acointance,
Là trouverons de tous biens habondance.

Du Dieu d'amours quand parler je l'oy.
Aucunement me trouvay esbahy;
Pour ce lui dis: Maistresse, je vous prie
Pour le present que je n'y voise mie,
Car j'ay oy à plusieurs raconter
Les maulx qu'Amour leur a fait endurer,
En son dangier bouter ne m'oseroye,
Car ses tourmens endurer ne pourroye;
Trop jeune suy pour porter si grant fais,
Il vaulx trop mieulx que je me tiengne en pais.

Fy, dist elle, par Dieu tu ne vaulx riens;
Tu ne congnois l'onneur et les grans biens
Que peus avoir, se tu es amoureux,
Tu as oy parler les maleureux,
Non pas amans qui congnoissent qu'est joye;
Car raconter au long ne te sauroye
Les biens qu'Amour scet aux siens departir;
Essaye les, puis tu pourras choisir
Se tu les veulx ou avoir ou laissier;
Contre vouloir nul n'est contraint d'amer.

Bien me revint son gracieux langaige,
Et tost muay mon propos et couraige,
Quant j'entendy que nul ne contraindroit
Mon cueur d'amer fors ainsy qu'il vouldroit;
Si luy ay dit: Se vous me promectez,
Ma Maistresse, que point n'obligerez
Mon cueur, ne moy, contre nostre plaisir,
Pour ceste fois je vous vueil obeir,
Et à present vous suivray ceste voye,
Je prie à Dieu qu'à honneur m'y convoye.

Ne te doubles, se dist elle, de moy,
Je te prometz et jure par ma foy
Par moy ton cueur ja forcé ne sera,
Mais garde soy qui garder se pourra,
Car je pense que ja n'aura povoir
De se garder, mais changera vouloir;
Quant Plaisance lui monstrera à l'ueil
Gente beaulté plaine de doulx acueil,
Jeune, saichant, et de maniere lye,
Et de tous biens à droit souhait garnie.

Sans plus parler, sailli hors de mon lit,
Quant promis m'eust ce que devant est dit,
Et m'aprestay le plus joliement
Que peu faire, par son commandement:
Car jeunes gens qui desirent honneur,
Quant veoir vont aucun royal Seigneur,
Ilz se doivent mectre de leur puissance
En bon arroy, car cela les avance;
Et si les fait estre prisiez des gens,
Quant on les voit netz, gracieux et gens.

Tantost apres tous deux nous en alasmes,
Et si longtemps ensemble cheminasmes
Que venismes au plus pres d'un manoir
Trop bel assis, et plaisant à veoir;
Lors Jeunesse me dist: Cy est la place
Où Amour tient sa court et se soulace,
Que t'en semble, n'est elle pas tres belle?
Je respondy: Oncques mais ne vy telle.
Ainsi parlans aprouchasmes la porte,
Qui à veoir fut tres plaisant et forte.

Lors Jeunesse si hucha le portier,
Et lui a dit: J'ay cy ung estrangier,
Avecques moy entrer nous fault leans;
On l'appelle CHARLES DUC D'ORLÉANS.
Sans nul delay le portier nous ouvry,
Dedens nous mist, et puis nous respondy:
Tous deux estes ceans les bien venuz;
Aler m'en vueil, s'il vous plaist, vers Venus
Et Cupido, si leur raconteray
Qu'estes venuz, et ceans mis vous ay.

Le portier fu appellé compaignie
Qui nous receu de maniere si lye,
De nous party, à Amour s'en ala:
Briefment apres devers nous retourna,
Et amena Bel-acueil et Plaisance
Qui de l'ostel avoient l'ordonnance;
Lors quant de nous approucher je les vy,
Couleur changay, et de cueur tressailly.
Jeunesse dist: De riens ne t'esbahys,
Soyes courtois et en faiz et en dys.

Jeunesse tost se tira devers eulx,
Apres elle m'en alay tout honteulx,
Car jeunes gens perdent tost contenance
Quant en lieu sont où n'ont point d'acointance;
Si lui ont dit: «Bien soyez vous venue;
Puis par la main l'ont liement tenue;
Elle leur dit: «De cueur vous en mercy;
J'ay amené céans cest enfant cy,
Pour lui monstrer le tres loyal estat
Du Dieu d'amours, et son joyeulx esbat.

Vers moy vindrent me prenant par la main,
Et me dirent: «Nostre Roy souverain
Le Dieu d'amours vous prie que venez
Par devers lui, et bien venu serez.
Je respondy humblement: «Je mercie
Amour et vous de vostre courtoisie:
De bon vouloir iray par devers lui,
Pour ce je suis venu cy aujourdui,
Car Jeunesse m'a dit que le verray
En son estat et gracieux array.

Bel-acueil print Jeunesse par le bras,
Et Plaisance si ne m'oublia pas,
Mais me pria qu'avec elle venisse,
Et tout le jour pres d'elle me tenisse;
Si alasmes en ce point jusqu'au lieu
Là où estoit des amoureux le Dieu.
Entour de lui son peuple s'esbatoit,
Dancant, chantant, et maint esbat faisoit;
Tous à genoulz nous meismes humblement,
Et Jeunesse parla premierement

Disant, «Tres haut et noble puissant Prince,
A qui subgiet est chascune province,
Et que je doy servir et honnourer,
De mon povoir je vous viens presenter
Ce jeune filz qui en moy a fiance,
Qui est sailly de la maison de France,
Creu ou jardin semé de fleurs de lys,
Combien que j'ay loyaument lui promis
Qu'en riens qui soit je ne le lyeray,
Mais à son gré son cueur gouverneray.

Amour repont, «Il est le bien venu,
Ou temps passé j'ay son pere congneu,
Plusieurs autres aussi de son lignaige
Ont mainteffoiz esté en mon servaige,
Parquoy tenu suy plus de lui bien faire,
S'il veult apres son lignaige retraire;
Vien ça, dist il, mon filz, que pense tu?
Fu tu oncques de ma darde feru;
Je croy que non, Car ainsi le me semble;
Vien pres de moy, si parlerons ensemble.

De cueur tremblant pres de lui m'aprouchay,
Si lui ay dit: «Sire, quant j'accorday
A Jeunesse de venir devers vous,
Elle me dist que vous estiez sur tous
Si tres courtois que chascun desiroit
De vous hanter, qui bien vous congnoissoit;
Je vous supply que je vous trouve tel,
Estrangier suy venu en votre hostel,
Honte seroit à vostre grant noblesse
Se fait m'estoit ceans mal ou rudesse.

Par moy contraint, dist Amour, ne seras,
Mais de ceans jamais ne partiras
Que ne soies es las amoureux pris:
Je m'en fais fort, se bien l'ay entrepris:
Souvent Mercy me vendras demander,
Et humblement ton fait recommander,
Mais lors sera ma grace de toy loing;
Car à bon droit le fauldray au besoing,
Et si feray vers toy le dangereux,
Comme tu fais d'estre vray amoureux.

Venez avant, dist il, plaisant Beaulté,
Je vous requier que sur la loyaulté
Que me devez, le venez assaillir,
Ne le laissiez reposer ne dormir,
Ne nuit, ne jour, s'il ne me fait hommaige,
Aprivoisiez ce compaignon sauvaige;
Ou temps passé vous conqueistes Sampson
Le fort, aussi le saige Salmon.
Se cest enfant surmonter ne savez,
Vostre renom du tout perdu avez.

Beaulté lors vint, de costé moy s'assist,
Ung peu se teut, puis doulcement m'a dist:
Amy, certes, je me donne merveille
Que tu ne veulx pas que l'en te conseille;
Au fort saiches que tu ne peuz choisir,
Il te convient à Amour obeir;
Mes yeulx prindrent fort à la regarder,
Plus longuement ne les en peu garder;
Quant Beaulté vit que je la regardoye,
Tost par mes yeulx ung dard au cueur m'envoye.

Quand dedens fu, mon cueur vint esveiller,
Et tellement le print à catoillier
Que je senty que trop rioit de joye;
Il me despleut qu'en ce point le sentoye;
Si commençay mes yeulx fort à tenser,
Et envoyay vers mon cueur ung penser,
En lui priant qu'il gectast hors ce dard;
Helas! helas! j'y envoyay trop tart,
Car quant Penser arriva vers mon cueur,
Il le trouva ja pasmé de doulceur.

Quant je le sceu, je dis par desconfort,
Je hé ma vie, et desire ma mort,
Je hé mes yeulx, car par eulx suis deceu,
Je hé mon cueur qu'ay nicement perdu,
Je hé ce dard qui ainsi mon cueur blesse,
Venez avant, partuez moy, Destresse,
Car mieulx me vault tout à ung cop morir
Que longuement en desaise languir;
Je congnois bien, mon cueur est pris es las
Du Dieu d'amours, par vous Beaulté, helas!

Adonc je cheu aux piez d'Amour malade,
Et semblay mort, tant euz la coleur fade:
Il m'apperceu, si commenca à rire
Disant: «Enfant, tu as besoing d'un mire;
Il semble bien par ta face palie
Que tu seuffres tres dure maladie;
Je cuidoye que tu fusses si fort
Qu'il ne fust riens qui te peust faire tort,
Et maintenant, ainsi soudainement,
Tu es vaincu par Beaulté seulement.

Où est ton cueur pour le present alé
Ton grant orgueil est bientost ravalé;
Il m'est advis tu deusses avoir honte
Si de legier, quant Beaulté te surmonte,
Et à mes piez t'a abatu à terre;
Revenge toy, se tu vaulx riens pour guerre,
Ou à elle il vault mieulx de toy rendre,
Se tu ne scez autrement te deffendre,
Car de deux maulx, puisque tu peuz eslire,
C'est le meilleur que preignes le moins pire.

Ainsi de moy fort Amour se mocquoit,
Mais non pourtant de ce ne me challoit,
Car de douleur je estoye si enclos
Que je ne tins compte de tous ses mos:
Quant Jeunesse vit que point ne parloye,
Car tout advis et sens perdu avoye,
Pour moy parla, et au Dieu d'amours dist:
Sire, vueillez qu'il ait aucun respit:
Amour respont: «Jamais respit n'aura
Jusques à tant que rendu se sera.»

Beaulté mist lors en son giron ma teste,
Et si m'a dit: «De main mise t'arreste,
Rens toy à moy, et tu feras que saige,
Et à Amour va faire ton hommaige;
Je respondy: «Ma Dame, je le vueil,
Je me soubzmetz du tout à vostre vueil;
Au Dieu d'amours et à vous je me rens,
Mon povre cueur à mort feru je sens,
Vueillez avoir pitié de ma tristesse,
Jeune, gente, nompareille Princesse.

Quant je me fu ainsi rendu à elle:
Je maintendray, dist elle, ta querelle
Envers Amour, et tant pourchasseray
Qu'en sa grace recevoir te feray;
A brief parler, et sans faire long compte,
Au Dieu d'amours mon fait au vray raconte,
Et lui a dit, «Sire, je l'ay conquis,
Il s'est à vous, et à moi tout soubzmis,
Vueillez avoir de sa douleur mercy,
Puisque vostre se tient, et mien aussy;

S'il a meffait vers vous, il s'en repent,
Et se soubzmet en vostre jugement;
Puisqu'il se veult à vous abandonner,
Legierement lui devez pardonner;
Chascun seigneur qui est plain de noblesse
Doit departir mercy à grant largesse;
De vous servir sera plus obligié,
Se franchement son mal est allegié;
Et si mectra paine de desservir
Voz grans biensfaiz, par loyaument servir.

Amour respont: Beaulté, si saigement
Avez parlé, et raisonnablement,
Que pardonner lui vueil la malvueillance
Qu'ay eu vers lui, car par oultrecuidance
Me courrouça quant, comme foul et nice,
Il refusa d'entrer en mon service;
Faictes de lui ainsi que vous vouldrez,
Content me tiens de ce que vous ferez,
Tout le soubzmetz à vostre voulenté,
Sauve, sans plus, ma souveraineté.

Beaulté respont: Sire, c'est bien raison
Par dessus tous et sans comparaison,
Que pour seigneur et souverain vous tiengne,
Et ligement vostre subgiet deviengne;
Premierement devant vous jurera
Que loyaument de cueur vous servira,
Sans espargnier, soit de jours ou de nuis,
Paine, soucy, dueil, courroux ou ennuis,
Et souffrera, sans point se repentir,
Les maulx qu'amans ont souvent à souffrir.

Il jurera aussi secondement
Qu'en ung seul lieu amera fermement,
Sans point querir ou desirer le change,
Car sans faillir ce seroit trop estrange
Que bien servir peust ung cueur en mains lieux,
Combien qu'aucuns cueurs ne demandent mieulx
Que de servir du tout à la volée,
Et qu'ilz ayent d'amer la renommée,
Mais au derrain ilz s'en trouvent punis
Par Loyaulté dont ils sont ennemis.

En oultre plus promectra tiercement
Que voz conseulx tendra secretement,
Et gardera de mal parler sa bouche.
Noble Prince, ce point cy fort vous touche,
Car mains amans, par leurs nices parolles,
Par sotz regars et contenances folles,
Ont fait parler souvent les mesdisans,
Par quoy grevez ont esté voz servans,
Et ont receu souventeffoiz grant perte
Contre raison, et sans nulle desserte.

Avecques ce, il vous fera serment
Que s'il recoit aucun avancement
En vous servant, qu'il n'en fera ventance;
Cestui meffait dessert trop grant vengance,
Car quant Dames veulent avoir pitié
De leurs servans, leur monstrant amitié,
Et de bon cueur aucun reconfort donnent,
En ce faisant leurs honneurs abandonnent,
Soubz fiance de trouver leurs amans
Secrez, ainsi qu'en font les convenans.

Ces quatre points qu'ay cy devant nommez
A tous amans doivent estre gardez,
Qui à honneur et avancement tirent
Et leurs amours à fin mener désirent:
Six autres points aussi accordera,
Mais par serment point ne les promectra,
Car nul amant estre contraint ne doit
De les garder, se son prouffit n'y voit;
Mais se faire veult, apres bon conseil,
A les garder doit mectre son traveil.

Le premier est qu'il se tiengne jolis,
Car les dames le tiennent à grant pris;
Le second est que tres courtoisement
Soy maintendra, et gracieusement;
Le tiers point est que, selon sa puissance,
Querra honneur et poursuivra vaillance;
Le quatriesme qu'il soit plain de largesse,
Car c'est chose qui avance noblesse;
Le cinquiesme qu'il suivra compaignie,
Amant honneur, et fuiant villenie.

Le sixiesme point et le derrenier
Est qu'il sera diligent escollier,
En aprenant tous les gracieux tours,
A son povoir, qui servent en amours,
C'est assavoir à chanter, à dancer,
Faire chancons, et balades rimer,
Et tous autres joyeulx esbatemens.
Ce sont icy les dix commandemens,
Vray Dieu d'amours, que je ferai jurer
A cest enfant, s'il vous plaist l'appeller.

Lors m'appella, et me fist les mains mectre
Sur ung livre en me faisant promectre
Que feroye loyaument mon devoir
Des poins d'amours garder, à mon povoir;
Ce que je fis de bon vueil lyement;
Adonc Amour a fait commandement
A Bonnefoy d'Amours chief secretaire
De ma lectre de Retenue faire;
Quant faicte fut, Loyaulté la scella
Du scel d'Amours et la me délivra.

Ainsi Amour me mist en son servaige,
Mais pour seurté retint mon cueur en gaige,
Pourquoy lui dis que vivre ne pourroye
En cest estat, s'un autre cueur n'avoye.
Il respondit: Espoir mon medicin
Te gardera de mort soir et matin,
Jusques à tant qu'auras en lieu du tien
Le cueur d'une qui te tendra pour sien,
Gardes tousjours ce que t'ay commandé,
Et je t'auray pour bien recommandé.


_________________
J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
James
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