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James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152590 Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION. Sam 17 Nov - 1:47 | |
| [Note 62: Tableau de la littérature au moyen âge , par M. Villemain, t. II, p. 228 et 234.]
Le suc poétique, si je puis dire ainsi, exprimé par Charles d'Orléans, a été soigneusement recueilli par Villon et par Marot; le premier y a déposé sa franchise quelque peu cynique, et le second sa verve étincelante, son vers correct et les traditions des littératures grecques, et et latines qui renaissaient. Ces trois éléments combinés dominent toute la poésie du seizième siècle. Ainsi pour apprécier, sous tous ses aspects, le livre de Charles d'Orléans, il faudrait analyser ces trois individualités et montrer l'effet qu'elles durent produire confondues. Nous laissons ces questions de haute critique à une main plus habile; d'ailleurs nous avons dû renfermer cette notice dans les bornes restreintes et modestes d'une biographie littéraire; nous n'ajouterons plus qu'un mot. De graves historiens ont prétendu que le duc d'Orléans, prince du sang royal de France, était resté au dessous de sa mission; ils lui ont fait un crime d'avoir soutenu mollement le drapeau de la révolte et de la guerre civile, et ils lui reprochent ses vers, en quelque sorte, comme des lâchetés. Voilà, en vérité, de singulières accusations. Eh bien, sauf le respect que nous devons à ces historiens, je crois que si au lieu d'assassiner leurs parents, d'avilir une monarchie qu'ils devaient protéger, délivrer leur pays aux Anglais, Jean sans Peur, le comte de Saint-Pol et le connétable d'Armagnac avaient employé leur loisir à rimer des ballades dans leur château, je crois, dis-je, que nos pères de ce temps-là en eussent ressenti quelques bons effets. Historiens, rassure-vous, les chefs politiques ne manqueront jamais à vos récits; mais des poètes comme Charles d'Orléans, on n'en trouve qu'un dans une littérature; ainsi, pardonnez-lui ses poésies.
J. MARIE GUICHARD.
LISTE DES AUTEURS NOMMÉS EN TÊTE DE QUELQUES-UNES DES POÉSIES CONTENUES DANS CE VOLUME.
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| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152590 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION. Sam 17 Nov - 1:47 | |
| ALBRET (le cadet d'), 352, 356. ALENÇON (Jean II, duc d'), 271. BENOIT d'Amiens, 358, 359, 371, 390, 397, 418. BLOSSEVILLE (le vicomte de), 385. BOUCICAUT, 339, 340. BOULAINVILLIERS (Philippe de), 209,353. BOURBON (Jean II, duc de), 235, 303, 309, 310, 334, 354, 383, 386, 391, 425. BOURGOGNE (Philippe-le-Bon, duc de), 152, 154. CADET (le), voy. Albret. CADIER (Guillaume), 424. CAILLAU (Jean), 104, 136,278, 312, 380, 381. CAILLAU (Simonnet), 138, 341, 370, 395, 413. CHEVALIER (Pierre), 167. CLERMONT (compte de), voy. Bourbon. CUISE (Antoine de), 408, 409. DALEBRET, voy. Albret. FARET, 371. FRAIGNE, 238,389, 405, 406. FREDET, 169, 176, 251, 279, 322, 325, 335, 341, 350. GARENCIÈRES (Jean de Montenay, sire de), 142. GEORGE, 337. GILLES, 349. GOUT (Étienne le), 269. LORRAINE (Jean, duc de), 342, 344,345, 346, 372, 415, 416. LUSSAY (Antoine de), 348. MARCHE (Olivier de la), 336. MONTBRETON, 133. NEVERS (Charles de Bourgogne, comte de), 243, 319. ORLÉANS (Charles, duc d'), 103, 120, 121, 123, 141, 151, 153, 155, 158, 159, 166, 173, 234, 243, 244, 246, 248--250, 252, 260, 269, 271, 280, 311, 313, 320, 323, 334, 335, 336, 340--342, 346, 347, 350--352, 354--358, 360--368, 370, 372--389, 391--395, 397--405, 407, 409. 412--414, 417, 420, 423. ORLÉANS (Marie de Clèves, duchesse d'), 321, 347. OURMES (Gilles des), 137, 210, 349, 353, 396, 414. POT (Guiet), 348, 349. POT (Philippe), 348. ROBERTET, 133, 424. SECILE (René d'Anjou, roi de), 245, 248, 249, 250. SÉNÉCHAL (le grand), 384, 405. TIGNONVILLE, 360, 396. TORSY (le seigneur de), 333. TREMOILLE (Jacques, bâtard de la), 110, 351. VAILLANT, 102, 337, 338. VILLECRESME (Berthaud de), 135, 168, 387, 390. VILLON (François), 130. VOYS (Hugues le), 397, 400, 401.
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| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152590 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: CHARLES D'ORLÉANS Le Poète Prisonier (1394–1465) INTRODUCTION. Sam 17 Nov - 1:48 | |
| POÉSIES DE CHARLES D'ORLÉANS DE JEHAN DE LORRAINE, DE GILLES DES OURMES, DU COMTE DE CLERMONT, DE SIMONNET ET DE JEHAN CAILLAU, DE BERTHAULT DE VILLEBRESME, DE FREDET, ETC.
Au temps passé quant Nature me fist En ce monde venir, elle me mist Premierement tout en la gouvernance D'une Dame qu'on appeloit Enfance; En lui faisant estroit commandement De me nourrir, et garder tendrement, Sans point souffrir soing ou merencolie, Aucunement me tenir compaignie; Dont elle fist loyaument son devoir; Remercier l'en doy pour dire voir.
En cest estat, par ung temps me nourry, Et apres ce, quant je fu enforcy, Ung messaigier qui Aage s'appella, Une lectre de creance bailla A Enfance, de par Dame Nature, Et si lui dist que plus la nourriture De moy n'auroit, et que Dame Jeunesse Me nourriroit, et seroit ma maistresse; Ainsi du tout Enfance delaissay, Et avecques Jeunesse m'en alay.
Quant Jeunesse me tint en sa maison, Ung peu avant la nouvelle saison, En ma chambre s'en vint ung bien matin, Et m'esveilla le jour saint Valentin, En me disant: Tu dors trop longuement, Esveille toy, et aprestes briefment, Car je te vueil avecques moy mener Vers ung seigneur dont te fault acointer, Lequel me tient sa servante tres chiere; Il nous fera, sans faillir, bonne chiere.
Je respondy: Maistresse gracieuse, De lye cueur et voulenté joyeuse, Vostre vouloir suy content d'acomplir; Mais humblement je vous vueil requerir Qu'il vous plaise le nom de moy nommer De ce seigneur dont je vous oy parler, Car s'ainsi est que sienne vous tenez, Sien estre vueil, se le me commandez; Et en tous faiz vous savez que desire Vous ensuir, sans en riens contredire.
Puis qu'ainsy est, dist elle, mon enfant, Que de savoir son nom desirez tant, Saichiez de vray que c'est le Dieu d'amours Que j'ay servy, et serviray tousjours, Car de pieca suy de sa retenue, Et de ses gens, et de lui bien congneue, Oncques ne vis maison, jour de ta vie, De plaisans gens si largement remplie; Je te feray avoir d'eulx acointance, Là trouverons de tous biens habondance.
Du Dieu d'amours quand parler je l'oy. Aucunement me trouvay esbahy; Pour ce lui dis: Maistresse, je vous prie Pour le present que je n'y voise mie, Car j'ay oy à plusieurs raconter Les maulx qu'Amour leur a fait endurer, En son dangier bouter ne m'oseroye, Car ses tourmens endurer ne pourroye; Trop jeune suy pour porter si grant fais, Il vaulx trop mieulx que je me tiengne en pais.
Fy, dist elle, par Dieu tu ne vaulx riens; Tu ne congnois l'onneur et les grans biens Que peus avoir, se tu es amoureux, Tu as oy parler les maleureux, Non pas amans qui congnoissent qu'est joye; Car raconter au long ne te sauroye Les biens qu'Amour scet aux siens departir; Essaye les, puis tu pourras choisir Se tu les veulx ou avoir ou laissier; Contre vouloir nul n'est contraint d'amer.
Bien me revint son gracieux langaige, Et tost muay mon propos et couraige, Quant j'entendy que nul ne contraindroit Mon cueur d'amer fors ainsy qu'il vouldroit; Si luy ay dit: Se vous me promectez, Ma Maistresse, que point n'obligerez Mon cueur, ne moy, contre nostre plaisir, Pour ceste fois je vous vueil obeir, Et à present vous suivray ceste voye, Je prie à Dieu qu'à honneur m'y convoye.
Ne te doubles, se dist elle, de moy, Je te prometz et jure par ma foy Par moy ton cueur ja forcé ne sera, Mais garde soy qui garder se pourra, Car je pense que ja n'aura povoir De se garder, mais changera vouloir; Quant Plaisance lui monstrera à l'ueil Gente beaulté plaine de doulx acueil, Jeune, saichant, et de maniere lye, Et de tous biens à droit souhait garnie.
Sans plus parler, sailli hors de mon lit, Quant promis m'eust ce que devant est dit, Et m'aprestay le plus joliement Que peu faire, par son commandement: Car jeunes gens qui desirent honneur, Quant veoir vont aucun royal Seigneur, Ilz se doivent mectre de leur puissance En bon arroy, car cela les avance; Et si les fait estre prisiez des gens, Quant on les voit netz, gracieux et gens.
Tantost apres tous deux nous en alasmes, Et si longtemps ensemble cheminasmes Que venismes au plus pres d'un manoir Trop bel assis, et plaisant à veoir; Lors Jeunesse me dist: Cy est la place Où Amour tient sa court et se soulace, Que t'en semble, n'est elle pas tres belle? Je respondy: Oncques mais ne vy telle. Ainsi parlans aprouchasmes la porte, Qui à veoir fut tres plaisant et forte.
Lors Jeunesse si hucha le portier, Et lui a dit: J'ay cy ung estrangier, Avecques moy entrer nous fault leans; On l'appelle CHARLES DUC D'ORLÉANS. Sans nul delay le portier nous ouvry, Dedens nous mist, et puis nous respondy: Tous deux estes ceans les bien venuz; Aler m'en vueil, s'il vous plaist, vers Venus Et Cupido, si leur raconteray Qu'estes venuz, et ceans mis vous ay.
Le portier fu appellé compaignie Qui nous receu de maniere si lye, De nous party, à Amour s'en ala: Briefment apres devers nous retourna, Et amena Bel-acueil et Plaisance Qui de l'ostel avoient l'ordonnance; Lors quant de nous approucher je les vy, Couleur changay, et de cueur tressailly. Jeunesse dist: De riens ne t'esbahys, Soyes courtois et en faiz et en dys.
Jeunesse tost se tira devers eulx, Apres elle m'en alay tout honteulx, Car jeunes gens perdent tost contenance Quant en lieu sont où n'ont point d'acointance; Si lui ont dit: «Bien soyez vous venue; Puis par la main l'ont liement tenue; Elle leur dit: «De cueur vous en mercy; J'ay amené céans cest enfant cy, Pour lui monstrer le tres loyal estat Du Dieu d'amours, et son joyeulx esbat.
Vers moy vindrent me prenant par la main, Et me dirent: «Nostre Roy souverain Le Dieu d'amours vous prie que venez Par devers lui, et bien venu serez. Je respondy humblement: «Je mercie Amour et vous de vostre courtoisie: De bon vouloir iray par devers lui, Pour ce je suis venu cy aujourdui, Car Jeunesse m'a dit que le verray En son estat et gracieux array.
Bel-acueil print Jeunesse par le bras, Et Plaisance si ne m'oublia pas, Mais me pria qu'avec elle venisse, Et tout le jour pres d'elle me tenisse; Si alasmes en ce point jusqu'au lieu Là où estoit des amoureux le Dieu. Entour de lui son peuple s'esbatoit, Dancant, chantant, et maint esbat faisoit; Tous à genoulz nous meismes humblement, Et Jeunesse parla premierement
Disant, «Tres haut et noble puissant Prince, A qui subgiet est chascune province, Et que je doy servir et honnourer, De mon povoir je vous viens presenter Ce jeune filz qui en moy a fiance, Qui est sailly de la maison de France, Creu ou jardin semé de fleurs de lys, Combien que j'ay loyaument lui promis Qu'en riens qui soit je ne le lyeray, Mais à son gré son cueur gouverneray.
Amour repont, «Il est le bien venu, Ou temps passé j'ay son pere congneu, Plusieurs autres aussi de son lignaige Ont mainteffoiz esté en mon servaige, Parquoy tenu suy plus de lui bien faire, S'il veult apres son lignaige retraire; Vien ça, dist il, mon filz, que pense tu? Fu tu oncques de ma darde feru; Je croy que non, Car ainsi le me semble; Vien pres de moy, si parlerons ensemble.
De cueur tremblant pres de lui m'aprouchay, Si lui ay dit: «Sire, quant j'accorday A Jeunesse de venir devers vous, Elle me dist que vous estiez sur tous Si tres courtois que chascun desiroit De vous hanter, qui bien vous congnoissoit; Je vous supply que je vous trouve tel, Estrangier suy venu en votre hostel, Honte seroit à vostre grant noblesse Se fait m'estoit ceans mal ou rudesse.
Par moy contraint, dist Amour, ne seras, Mais de ceans jamais ne partiras Que ne soies es las amoureux pris: Je m'en fais fort, se bien l'ay entrepris: Souvent Mercy me vendras demander, Et humblement ton fait recommander, Mais lors sera ma grace de toy loing; Car à bon droit le fauldray au besoing, Et si feray vers toy le dangereux, Comme tu fais d'estre vray amoureux.
Venez avant, dist il, plaisant Beaulté, Je vous requier que sur la loyaulté Que me devez, le venez assaillir, Ne le laissiez reposer ne dormir, Ne nuit, ne jour, s'il ne me fait hommaige, Aprivoisiez ce compaignon sauvaige; Ou temps passé vous conqueistes Sampson Le fort, aussi le saige Salmon. Se cest enfant surmonter ne savez, Vostre renom du tout perdu avez.
Beaulté lors vint, de costé moy s'assist, Ung peu se teut, puis doulcement m'a dist: Amy, certes, je me donne merveille Que tu ne veulx pas que l'en te conseille; Au fort saiches que tu ne peuz choisir, Il te convient à Amour obeir; Mes yeulx prindrent fort à la regarder, Plus longuement ne les en peu garder; Quant Beaulté vit que je la regardoye, Tost par mes yeulx ung dard au cueur m'envoye.
Quand dedens fu, mon cueur vint esveiller, Et tellement le print à catoillier Que je senty que trop rioit de joye; Il me despleut qu'en ce point le sentoye; Si commençay mes yeulx fort à tenser, Et envoyay vers mon cueur ung penser, En lui priant qu'il gectast hors ce dard; Helas! helas! j'y envoyay trop tart, Car quant Penser arriva vers mon cueur, Il le trouva ja pasmé de doulceur.
Quant je le sceu, je dis par desconfort, Je hé ma vie, et desire ma mort, Je hé mes yeulx, car par eulx suis deceu, Je hé mon cueur qu'ay nicement perdu, Je hé ce dard qui ainsi mon cueur blesse, Venez avant, partuez moy, Destresse, Car mieulx me vault tout à ung cop morir Que longuement en desaise languir; Je congnois bien, mon cueur est pris es las Du Dieu d'amours, par vous Beaulté, helas!
Adonc je cheu aux piez d'Amour malade, Et semblay mort, tant euz la coleur fade: Il m'apperceu, si commenca à rire Disant: «Enfant, tu as besoing d'un mire; Il semble bien par ta face palie Que tu seuffres tres dure maladie; Je cuidoye que tu fusses si fort Qu'il ne fust riens qui te peust faire tort, Et maintenant, ainsi soudainement, Tu es vaincu par Beaulté seulement.
Où est ton cueur pour le present alé Ton grant orgueil est bientost ravalé; Il m'est advis tu deusses avoir honte Si de legier, quant Beaulté te surmonte, Et à mes piez t'a abatu à terre; Revenge toy, se tu vaulx riens pour guerre, Ou à elle il vault mieulx de toy rendre, Se tu ne scez autrement te deffendre, Car de deux maulx, puisque tu peuz eslire, C'est le meilleur que preignes le moins pire.
Ainsi de moy fort Amour se mocquoit, Mais non pourtant de ce ne me challoit, Car de douleur je estoye si enclos Que je ne tins compte de tous ses mos: Quant Jeunesse vit que point ne parloye, Car tout advis et sens perdu avoye, Pour moy parla, et au Dieu d'amours dist: Sire, vueillez qu'il ait aucun respit: Amour respont: «Jamais respit n'aura Jusques à tant que rendu se sera.»
Beaulté mist lors en son giron ma teste, Et si m'a dit: «De main mise t'arreste, Rens toy à moy, et tu feras que saige, Et à Amour va faire ton hommaige; Je respondy: «Ma Dame, je le vueil, Je me soubzmetz du tout à vostre vueil; Au Dieu d'amours et à vous je me rens, Mon povre cueur à mort feru je sens, Vueillez avoir pitié de ma tristesse, Jeune, gente, nompareille Princesse.
Quant je me fu ainsi rendu à elle: Je maintendray, dist elle, ta querelle Envers Amour, et tant pourchasseray Qu'en sa grace recevoir te feray; A brief parler, et sans faire long compte, Au Dieu d'amours mon fait au vray raconte, Et lui a dit, «Sire, je l'ay conquis, Il s'est à vous, et à moi tout soubzmis, Vueillez avoir de sa douleur mercy, Puisque vostre se tient, et mien aussy;
S'il a meffait vers vous, il s'en repent, Et se soubzmet en vostre jugement; Puisqu'il se veult à vous abandonner, Legierement lui devez pardonner; Chascun seigneur qui est plain de noblesse Doit departir mercy à grant largesse; De vous servir sera plus obligié, Se franchement son mal est allegié; Et si mectra paine de desservir Voz grans biensfaiz, par loyaument servir.
Amour respont: Beaulté, si saigement Avez parlé, et raisonnablement, Que pardonner lui vueil la malvueillance Qu'ay eu vers lui, car par oultrecuidance Me courrouça quant, comme foul et nice, Il refusa d'entrer en mon service; Faictes de lui ainsi que vous vouldrez, Content me tiens de ce que vous ferez, Tout le soubzmetz à vostre voulenté, Sauve, sans plus, ma souveraineté.
Beaulté respont: Sire, c'est bien raison Par dessus tous et sans comparaison, Que pour seigneur et souverain vous tiengne, Et ligement vostre subgiet deviengne; Premierement devant vous jurera Que loyaument de cueur vous servira, Sans espargnier, soit de jours ou de nuis, Paine, soucy, dueil, courroux ou ennuis, Et souffrera, sans point se repentir, Les maulx qu'amans ont souvent à souffrir.
Il jurera aussi secondement Qu'en ung seul lieu amera fermement, Sans point querir ou desirer le change, Car sans faillir ce seroit trop estrange Que bien servir peust ung cueur en mains lieux, Combien qu'aucuns cueurs ne demandent mieulx Que de servir du tout à la volée, Et qu'ilz ayent d'amer la renommée, Mais au derrain ilz s'en trouvent punis Par Loyaulté dont ils sont ennemis.
En oultre plus promectra tiercement Que voz conseulx tendra secretement, Et gardera de mal parler sa bouche. Noble Prince, ce point cy fort vous touche, Car mains amans, par leurs nices parolles, Par sotz regars et contenances folles, Ont fait parler souvent les mesdisans, Par quoy grevez ont esté voz servans, Et ont receu souventeffoiz grant perte Contre raison, et sans nulle desserte.
Avecques ce, il vous fera serment Que s'il recoit aucun avancement En vous servant, qu'il n'en fera ventance; Cestui meffait dessert trop grant vengance, Car quant Dames veulent avoir pitié De leurs servans, leur monstrant amitié, Et de bon cueur aucun reconfort donnent, En ce faisant leurs honneurs abandonnent, Soubz fiance de trouver leurs amans Secrez, ainsi qu'en font les convenans.
Ces quatre points qu'ay cy devant nommez A tous amans doivent estre gardez, Qui à honneur et avancement tirent Et leurs amours à fin mener désirent: Six autres points aussi accordera, Mais par serment point ne les promectra, Car nul amant estre contraint ne doit De les garder, se son prouffit n'y voit; Mais se faire veult, apres bon conseil, A les garder doit mectre son traveil.
Le premier est qu'il se tiengne jolis, Car les dames le tiennent à grant pris; Le second est que tres courtoisement Soy maintendra, et gracieusement; Le tiers point est que, selon sa puissance, Querra honneur et poursuivra vaillance; Le quatriesme qu'il soit plain de largesse, Car c'est chose qui avance noblesse; Le cinquiesme qu'il suivra compaignie, Amant honneur, et fuiant villenie.
Le sixiesme point et le derrenier Est qu'il sera diligent escollier, En aprenant tous les gracieux tours, A son povoir, qui servent en amours, C'est assavoir à chanter, à dancer, Faire chancons, et balades rimer, Et tous autres joyeulx esbatemens. Ce sont icy les dix commandemens, Vray Dieu d'amours, que je ferai jurer A cest enfant, s'il vous plaist l'appeller.
Lors m'appella, et me fist les mains mectre Sur ung livre en me faisant promectre Que feroye loyaument mon devoir Des poins d'amours garder, à mon povoir; Ce que je fis de bon vueil lyement; Adonc Amour a fait commandement A Bonnefoy d'Amours chief secretaire De ma lectre de Retenue faire; Quant faicte fut, Loyaulté la scella Du scel d'Amours et la me délivra.
Ainsi Amour me mist en son servaige, Mais pour seurté retint mon cueur en gaige, Pourquoy lui dis que vivre ne pourroye En cest estat, s'un autre cueur n'avoye. Il respondit: Espoir mon medicin Te gardera de mort soir et matin, Jusques à tant qu'auras en lieu du tien Le cueur d'une qui te tendra pour sien, Gardes tousjours ce que t'ay commandé, Et je t'auray pour bien recommandé.
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