LA REQUESTE
AUX EXCELLENS, ET PUISSANS EN NOBLESSE,
DIEU CUPIDO ET VENUS LA DEESSE.
Supplie presentement,
Humblement,
CHARLES LE DUC D'ORLÉANS
Qui a esté longuement,
Ligement
L'un de voz obeissans,
Et entre les vraiz amans,
Voz servans,
A despendu largement
Le temps de ses jeunes ans
Tres plaisans,
A vous servir loyaument.
Qu'il vous plaise regarder,
Et passer
Ceste requeste presente,
Sans la vouloir refuser;
Mais penser
Que d'umble vueil la presente
A vous, par loyalle entente,
En actente
De vostre grace trouver,
Car sa fortune dolente
Le tourmente,
Et le contraint de parler.
Comme ainsi soit que la Mort,
A grant tort,
En droicte fleur de jeunesse
Lui ait osté son deport,
Son ressort,
Sa seule Dame et liesse,
Dont a fait veu et promesse,
Par destresse,
Desespoir et desconfort,
Que jamais n'aura Princesse,
Ne maistresse,
Car son cueur en est d'accord.
Et pour ce que, ja pieca,
Vous jura
De vous loyaument servir,
Et en gaige vous laissa,
Et donna
Son cueur, par loyal desir;
Il vient pour vous requerir
Que tenir
Le vueilliez, tant qu'il vivra,
Excusé; car sans faillir.
Pour mourir,
Plus amoureux ne sera.
Et lui vueilliez doulcement,
Franchement,
Rebaillier son povre cueur,
En lui quictant son serement,
Tellement
Qu'il se parte, à son honneur,
De vous, car bon serviteur,
Sans couleur,
Vous a esté vrayement;
Monstrez lui quelque faveur,
En doulceur,
Au moins à son partement.
A Bonnefoy que tenez,
Et nommez
Vostre principal notaire,
Estroictement ordonnez,
Et mandez,
Sur peine de vous desplaire,
Qu'il vueille, sans delay traire,
Lectre faire,
En laquelle affermerez
Que congié de soy retraire,
Sans forfaire,
Audit cueur donné avez.
Afin que le suppliant,
Cy devant
Nommé, la puisse garder,
Pour sa descharge et garant,
En monstrant
Que nul ne le doit blasmer,
S'Amours a voulu laisser;
Car d'amer
N'eut oncques puis son talant
Que Mort lui voulut oster
La nomper
Qui fust ou monde vivant.
Et s'il vous plaist faire ainsi
Que je dy,
Ledit suppliant sera
Allegié de son soussy;
Et ennuy
D'avec son cueur bannira;
Et apres, tant que vivra,
Priera
Pour vous, sans mectre en oubly
La grace qu'il recevra,
Et aura,
Par vostre bonne mercy.