XII
Veu le soing mesnager, dont travaillé je suis,
Veu l'importun soucy, qui sans fin me tormente,
Et veu tant de regrets, desquels je me lamente,
Tu t'esbahis souvent comment chanter je puis.
Je ne chante (Magny) je pleure mes ennuys:
Ou, pour le dire mieulx, en pleurant je les chante,
Si bien qu'en les chantant, souvent je les enchante:
Voila pourquoy (Magny) je chante jours et nuicts.
Ainsi chante l'ouvrier en faisant son ouvrage,
Ainsi le laboureur faisant son labourage,
Ainsi le pelerin regrettant sa maison,
Ainsi l'advanturier en songeant à sa dame,
Ainsi le marinier en tirant à la rame,
Ainsi le prisonnier maudissant sa prison.