XXX
Quiconques (mon Bailleul) fait longuement sejour,
Soubs un ciel incogneu, et quiconques endure
D'aller de port en port cherchant son adventure,
Et peult vivre estranger dessoubs un autre jour:
Qui peult mettre en oubly de ses parents l'amour,
L'amour de sa maistresse, et l'amour que nature
Nous fait porter au lieu de nostre nourriture,
Et voyage tousjours sans penser au retour:
Il est fils d'un rocher, ou d'une ourse cruelle,
Et digne qui jadis ait succé la mamelle
D'une tygre inhumaine. Encor ne voit-on point
Que les fiers animaux en leurs forts ne retournent,
Et ceulx qui parmy nous domestiques sejournent,
Tousjours de la maison le doulx desir les poingt.