XLV
O marastre nature (et marastre es-tu bien,
De ne m'avoir plus sage ou plus heureux fait naistre)
Pourquoy ne m'as tu fait de moymesme le maistre,
Pour suivre ma raison, et vivre du tout mien?
Je voy les deux chemins, et de mal, et de bien:
Je sçay que la vertu m'appelle à la main dextre,
Et toutefois il fault que je tourne à senestre,
Pour suivre un traistre espoir, qui m'a fait du tout sien.
Et quel profit en ay-je? ô belle recompense!
Je me suis consumé d'une vaine despence,
Et n'ay fait autre acquest que de mal et d'ennuy,
L'estranger recueillist le fruict de mon service,
Je travaille mon corps d'un indigne exercice,
Et porte sur mon front la vergongne d'autruy.