Préface
Je viens de parcourir une partie des Mélodies poétiques
qui composent ce volume, cette lecture m'a procuré de bien
douces émotions.
Ce que je viens de dire là me dispense d'ajouter que le
souffle poétique anime les pages rythmées de ce charmant
recueil de poésies.
M. Ferland est dans sa vingtième année. C'est l'âge des
chauds enthousiasmes et des sentimentales illusions si
favorables à l'éclosion du talent poétique. Mais il a encore
mieux que cela. Ses vers sont parfois d'une ampleur et ses
envolées d'une envergure qui dénotent chez lui un talent
sérieux mûri avant l'âge.
Bien entendu, son ouvrage n'est pas un chef-d'oeuvre. La
forme du vers laisse parfois quelque peu à désirer. Ce ne sont
pas précisément des fautes contre les règles de la
versification; mais on trouve, rarement par bonheur, dans son
livre, certains vers qui déparent le reste.
Nul doute que, lorsque son goût aura été épuré par
l'expérience, il évitera avec soin ces fautes légères et peu
nombreuses qui, chez les poètes arrivés à la célébrité
passeraient pour de simples négligences, mais que des
censeurs peu indulgents ne voudront peut-être pas tolérer
chez un débutant.
Alors son vers, uniformément majestueux, énonçant
toujours en style noble les hautes conceptions qui hantent son
âme de poète, fera l'admiration de tous les amateurs de
grande et sérieuse poésie.
Je lui conseille de persister à fréquenter les Muses qui
semblent le traiter en enfant gâté. Elles l'ont trop bien inspiré
dès son début pour ne pas continuer à lui prodiguer leurs
faveurs.
Les poètes ne font pas fortune, en Canada encore moins
qu'ailleurs. Ce n'est pas pour s'enrichir que l'on fait des vers.
C'est pour répéter aux rares mortels qui se hasardent parfois
à nous lire, les belles choses que des voix célestes font
entendre à notre âme, et qui s'expriment bien mieux dans le
langage des dieux que dans le prosaïque jargon du
commerce.
Lorsqu'on peut faire des vers comme ceux de M. Ferland,
on a le droit d'être fier de son talent, et c'est un devoir de le
cultiver afin de faire partager au public les sentiments qui
agitent le coeur, les idées qui bouillonnent dans le cerveau de
cette espèce de sensitive vulgairement connue sous le nom de
poète. Rémi Tremblay.