-Vous souvenez-vous, Aubry? reprit-elle encore après une pause, la semaine
passée nous étions tout pleins d’espoir, nous nous disions: notre peine ne
durera, au pis aller, que quarante jours, puisque François de Bretagne n’a plus
que quarante jours à vivre. Dieu m’est témoin que je prie chaque soir pour que
monseigneur le duc se repente et non pas pour qu’il meure, mais enfin ce sont là
des choses que mes prières ne changeront point. Monsieur Gilles a dit: « dans
quarante jours »! je l’ai entendu; sa voix mourante sonne encore à mon oreille.
Aujourd’hui, deux semaines sont écoulées; nous n’avons plus que vingt-cinq jours
de peine. Nous parlions ainsi... Eh bien! Aubry, mon espoir s’en va! -Ne dites
pas cela. Reine, où vous me ferez devenir fou dans cette cage maudite! -Hélas!
continua mademoiselle de Maurever: un vieillard et une jeune fille pour
combattre tant de soldats! Je ne vous ai pas tout appris. Si Vincent Gueffès ne
nous vend pas, ils sauront se passer de lui. Avez-vous entendu parler, Aubry, de
ces lévriers qui chassent les naufragés sur les grèves d’Audierne et de
Douarnenez, autour des rochers de Penmarch? Méloir attend douze de ces lévriers.
-Le misérable! s’écria Aubry.