PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XCII. Les oubliettes de M. de Mazarin

Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité




Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XCII. Les oubliettes de M. de Mazarin Empty
MessageSujet: Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XCII. Les oubliettes de M. de Mazarin   Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XCII. Les oubliettes de M. de Mazarin Icon_minitimeLun 15 Avr - 19:42

XCII. Les oubliettes de M. de Mazarin

On arriva à la porte par laquelle avait disparu Mazarin; elle
était fermée; d’Artagnan tenta inutilement de l’ouvrir.

- Voilà où il s’agit de placer votre coup d’épaule, dit
d’Artagnan. Poussez, ami Porthos, mais doucement, sans bruit;
n’enfoncez rien, disjoignez les battants, voilà tout.

Porthos appuya sa robuste épaule contre un des panneaux, qui plia,
et d’Artagnan introduisit alors la pointe de son épée entre le
pêne et la gâche de la serrure. Le pêne, taillé en biseau, céda,
et la porte s’ouvrit.

- Quand je vous disais, ami Porthos, qu’on obtenait tout des
femmes et des portes en les prenant par la douceur.

- Le fait est, dit Porthos, que vous êtes un grand moraliste.

- Entrons, dit d’Artagnan.

Ils entrèrent. Derrière un vitrage, à la lueur de la lanterne du
cardinal, posée à terre au milieu de la galerie, on voyait les
orangers et les grenadiers du château de Rueil alignés en longues
files formant une grande allée et deux allées latérales plus
petites.

- Pas de cardinal, dit d’Artagnan, mais sa lampe seule; où diable
est-il donc?

Et comme il explorait une des ailes latérales, après avoir fait
signe à Porthos d’explorer l’autre, il vit tout à coup à sa gauche
une caisse écartée de son rang, et, à la place de cette caisse un
trou béant.

Dix hommes eussent eu de la peine à faire mouvoir cette caisse,
mais, par un mécanisme quelconque, elle avait tourné avec la dalle
qui la supportait.

D’Artagnan, comme nous l’avons dit, vit un trou à cette place, et,
dans ce trou, les degrés de l’escalier tournant.

Il appela Porthos de la main et lui montra le trou et les degrés.

Les deux hommes se regardèrent avec une mine effarée.

- Si nous ne voulions que de l’or, dit tout bas d’Artagnan, nous
aurions trouvé notre affaire et nous serions riches à tout jamais.

- Comment cela?

- Ne comprenez-vous pas, Porthos, qu’au bas de cet escalier est,
selon toute probabilité, ce fameux trésor du cardinal, dont on
parle tant, et que nous n’aurions qu’à descendre, vider une
caisse, enfermer dedans le cardinal à double tour, nous en aller
en emportant ce que nous pourrions traîner d’or, remettre à sa
place cet oranger, et que personne au monde ne viendrait nous
demander d’où nous vient notre fortune, pas même le cardinal?

- Ce serait un beau coup pour des manants, dit Porthos, mais
indigne, ce me semble, de deux gentilshommes.

- C’est mon avis, dit d’Artagnan; aussi ai-je dit: «Si nous ne
voulions que de l’or...» mais nous voulons autre chose.

Au même instant, et comme d’Artagnan penchait la tête vers le
caveau pour écouter, un son métallique et sec comme celui d’un sac
d’or qu’on remue vint frapper son oreille; il tressaillit.
Aussitôt une porte se referma et les premiers reflets d’une
lumière parurent dans l’escalier.

Mazarin avait laissé sa lampe dans l’orangerie pour faire croire
qu’il se promenait. Mais il avait une bougie de cire pour explorer
son mystérieux coffre-fort.

- Hé! dit-il en italien, tandis qu’il remontait les marches en
examinant un sac de réaux à la panse arrondie; hé! voilà de quoi
payer cinq conseillers au parlement et deux généraux de Paris. Moi
aussi je suis un grand capitaine; seulement je fais la guerre à ma
façon...

D’Artagnan et Porthos s’étaient tapis chacun dans une allée
latérale, derrière une caisse, et attendaient.

Mazarin vint, à trois pas de d’Artagnan, pousser un ressort caché
dans le mur. La dalle tourna, et l’oranger supporté par elle
revint de lui-même prendre sa place.

Alors le cardinal éteignit sa bougie, qu’il remit dans sa poche;
et, reprenant sa lampe:

- Allons voir M. de La Fère, dit-il.

- Bon, c’est notre chemin, pensa d’Artagnan, nous irons ensemble.

Tous trois se mirent en marche. M. de Mazarin suivant l’allée du
milieu, et Porthos et d’Artagnan les allées parallèles. Ces deux
derniers évitaient avec soin ces longues lignes lumineuses que
traçait à chaque pas entre les caisses la lampe du cardinal.

Celui-ci arriva à une seconde porte vitrée sans s’être aperçu
qu’il était suivi, le sable mou amortissant le bruit des pas de
ses deux accompagnateurs.

Puis il tourna sur la gauche, prit un corridor auquel Porthos et
d’Artagnan n’avaient pas encore fait attention; mais au moment
d’en ouvrir la porte, il s’arrêta pensif.

- Ah! _diavolo_! dit-il, j’oubliais la recommandation de
Comminges. Il me faut prendre les soldats et les placer à cette
porte, afin de ne pas me mettre à la merci de ce diable à quatre.
Allons.

Et, avec un mouvement d’impatience, il se retourna pour revenir
sur ses pas.

- Ne vous donnez pas la peine, Monseigneur, dit d’Artagnan le
pied en avant, le feutre à la main et la figure gracieuse, nous
avons suivi Votre Éminence pas à pas, et nous voici.

- Oui, nous voici, dit Porthos.

Et il fit le même geste d’agréable salutation.

Mazarin porta ses yeux effarés de l’un à l’autre, les reconnut
tous deux, et laissa échapper sa lanterne en poussant un
gémissement d’épouvante.

D’Artagnan la ramassa; par bonheur elle ne s’était pas éteinte
dans la chute.

- Oh! quelle imprudence, Monseigneur! dit d’Artagnan; il ne fait
pas bon à aller ici sans lumière! Votre Éminence pourrait se
cogner contre quelque caisse ou tomber dans quelque trou.

- Monsieur d’Artagnan! murmura Mazarin, qui ne pouvait revenir de
son étonnement.

- Oui, Monseigneur, moi-même, et j’ai l’honneur de vous présenter
M. du Vallon, cet excellent ami à moi, auquel Votre Éminence a eu
la bonté de s’intéresser si vivement autrefois.

Et d’Artagnan dirigea la lumière de la lampe vers le visage joyeux
de Porthos, qui commençait à comprendre et qui en était tout fier.

- Vous alliez chez M. de La Fère, continua d’Artagnan. Que nous
ne vous gênions pas, Monseigneur. Veuillez nous montrer le chemin,
et nous vous suivrons.

Mazarin reprenait peu à peu ses esprits.

- Y a-t-il longtemps que vous êtes dans l’orangerie, messieurs?
demanda-t-il d’une voix tremblante en songeant à la visite qu’il
venait de faire à son trésor.

Porthos ouvrit la bouche pour répondre, d’Artagnan lui fit un
signe, et la bouche de Porthos, demeurée muette, se referma
graduellement.

- Nous arrivons à l’instant même, Monseigneur, dit d’Artagnan.

Mazarin respira: il ne craignait plus pour son trésor; il ne
craignait que pour lui-même. Une espèce de sourire passa sur ses
lèvres.

- Allons, dit-il, vous m’avez pris au piège, messieurs, et je me
déclare vaincu. Vous voulez me demander votre liberté, n’est-ce
pas? Je vous la donne.

- Oh! Monseigneur, dit d’Artagnan, vous êtes bien bon; mais notre
liberté, nous l’avons, et nous aimerions autant vous demander
autre chose.

- Vous avez votre liberté? dit Mazarin tout effrayé.

- Sans doute, et c’est au contraire vous, Monseigneur, qui avez
perdu la vôtre, et maintenant, que voulez-vous, Monseigneur, c’est
la loi de la guerre, il s’agit de la racheter.

Mazarin se sentit frissonner jusqu’au fond du coeur. Son regard si
perçant se fixa en vain sur la face moqueuse du Gascon et sur le
visage impassible de Porthos. Tous deux étaient cachés dans
l’ombre, et la sibylle de Cumes elle-même n’aurait pas su y lire.

- Racheter ma liberté! répéta Mazarin.

- Oui, Monseigneur.

- Et combien cela me coûtera-t-il, monsieur d’Artagnan?

- Dame, Monseigneur, je ne sais pas encore. Nous allons demander
cela au comte de La Fère, si Votre Éminence veut bien le
permettre. Que Votre Éminence daigne donc ouvrir la porte qui mène
chez lui, et dans dix minutes elle sera fixée.

Mazarin tressaillit.

- Monseigneur, dit d’Artagnan, Votre Éminence voit combien nous y
mettons de formes, mais cependant nous sommes obligés de la
prévenir que nous n’avons pas de temps à perdre; ouvrez donc,
Monseigneur, s’il vous plaît, et veuillez vous souvenir, une fois
pour toutes, qu’au moindre mouvement que vous feriez pour fuir, au
moindre en que vous pousseriez pour échapper, notre position étant
tout exceptionnelle, il ne faudrait pas nous en vouloir si nous
nous portions à quelque extrémité.

- Soyez tranquilles, messieurs, dit Mazarin, je ne tenterai rien,
je vous en donne ma parole d’honneur.

D’Artagnan fit un signe à Porthos de redoubler de surveillance,
puis, se retournant vers Mazarin:

- Maintenant, Monseigneur, entrons, s’il vous plaît.
Revenir en haut Aller en bas
 
Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XCII. Les oubliettes de M. de Mazarin
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) LXXXVI. La royauté de M. de Mazarin
» Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XLI. Mazarin et Madame Henriette
» Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) LXI. Les gentilshommes
» Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) Conclusion.
» Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) L. L’émeute

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: